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228 DEUX AMITIÉS Du choc ténébreux des tempêtes, N'a garanti le lendemain. Ou bien, comme elle se sentait accablée et souffrante, et que sa santé s'altérait réellement, elle s'appliquait ces vers qui l'avaient frappée : Au ciel elle a rendu sa vie, Et doucement s'est endormie Sans murmurer contre ses lois. Ainsi le sourire s'efface, Ainsi meurt, sans laisser de trace, Le chant d'un oiseau dans les bois. La douleur de sa mère en la voyant dans cet état de cha- grin et de dépérissement est impossible à exprimer. Quant à Mme Werner, elle ne se lassait pas de s'accuser elle-même. Un jour qu'assise sous la tonnelle avec Mme Desnoyelle, elle contemplait Marie dont les lèvres murmuraient tou- jours ces tristes vers, elle fut plus frappée que de coutume des traits émaciés de son visage et de l'invincible tristesse qu'ils exprimaient. Après avoir paru réfléchir quelque temps, elle s'écria avec sa brusquerie habituelle : — Aux grands maux les grands remèdes, chère voisine ; Marie a besoin de changer d'air : voilà M. Werner qui veut revoir son pays : il emmènera Marie à Berne où elle retrou- vera ma nièce dont la sincère amitié lui fera oublier, je pense, la fausse amie qui a brisé son cœur et glacé ses chants. J'ai fait le mal, bonne voisine, à moi de le réparer ; je me charge des frais du voyage ; n'allez pas me refuser si vous voulez me délivrer des remords qui m'obsèdent. Madame Desnoyelle serra affectueusement la main de son amie sans pouvoir répondre/une larme perlait dans ses yeux.