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DEUX AMITIÉS 229 — Là , vous consentez ? A la bonne heure. Marie montra peu de joie à la nouvelle de son départ ; elle ne sentait que la peine de quitter sa mère. Le bon Werner n'eut pas le plaisir de la voir s'animer pendant le voyage. Elle regardait cependant les monuments des villes où ils s'arrêtaient, mais jamais le sourire n'entr'ouvrait ses lèvres. Comme elle avait fort négligé sa correspondance avec Mina, elle était un peu inquiète de l'accueil que lui ferait celle-ci, qu'on n'avait pas prévenue de son arrivée. Le père, la mère, le frère, la sœur de Mina, Mina elle- même, toute la famille Schmidt enfin était à la gare pour recevoir l'oncle Werner. [Lorsque] Mina aperçut Marie, sa joie fut si vive, ses caresses si tendres que la jeune Fran- çaise se reprocha amèrement ses vaines craintes et la négli- gence qu'elle avait apportée à cultiver par correspondance cette amitié si vraie, pour se livrer tout entière à la brillante Mathilde. La famille de Mina l'accueillit comme une fille, comme une sœur : elle était vraiment confuse d'un accueil si affectueux, et qu'elle sentait si peu mérité. Il serait trop long de dire toutes les confidences que ré- pandit Marie dans le cœur de son amie, toutes les consola- tions que celle-ci lui prodigua. Les bons Schmidt organisè- rent de charmantes parties pour distraire leurs hôtes. Cette vie de famille intéressait beaucoup Marie qui avait vécu seule avec sa mère et qui regrettait de n'avoir ni frère ni sœur. Mais ce qui lui plaisait le plus, c'étaient les soirées. On les passait à faire de la musique. Ces douces mélodies allemandes, ces voix harmonieuses, d'un si parfait accord entre elles, pénétraient le cœur de la jeune poète : elle sen- tait que la musique est la sœur de la poésie, et tandis qu'elle écoutait rêveuse, ses pensées se pressaient en foule, et les cordes de la lyre qu'elle voulait briser résonnaient seules et