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216                         MAX CLAUDET

humains » comme l'école naturaliste n'en produira jamais.
Ecoutez :

  a Si je suis arrivé au terme de ma carrière, je suis prêt et résigné,
puisque je n'ai plus rien pour me faire aimer et pour m'attacher à la
vie.... Jecrois toujours qu'elle va entrer, en voyant ses gants qu'elle a
posés, en rentrant, sur les livres de cette petite bibliothèque le jour du
Jardin d'acclimatation. Cette chambre, toujours fermée, où je n'entre
que par nécessité, me navre... Ah ! mon ami, la vie est entièrement
dénuée d'intérêt et de charme pour moi. Je suis comme la feuille d'ar-
bre en la saison où les fruits sont tombés. Je n'abrite plus rien ; je
demeure, en attendant que la saison d'automne m'emporte ! »


   Et plus loin, le grand artiste ajoutait :

   « Je n'ai jamais été qu'un enfant, je pourrais dire une petite fille,
tant j'ai toujours été dévoré d'un besoin de tendresse, soit d'en recevoir
 ou d'en prodiguer ; et j'en ai été privé toute ma vie. Je me rappelle
 encore, pendant que j'étais enfermé dans une de ces cellules, le diman-
che, et que j'entendais les joyeux cris argentins des jeunes personnes
qui se rendaient en famille faire un goûter dans quelque coin ombreux
 de la campagne, combien ces petites choses qui n'étaient rien par elles-
mêmes, combien mon imagination les embellissait et leur prêtait
d'éclat ! Les martinets, qui tourbillonnaient autour de moi dans ces
cours noires et profondes, avec leurs cris stridents et tristes, me péné-
traient l'âme. »
   « J'ai vu ces scènes se renouveler à tout âge, sans y prendre part ;
je les revois encore, ces familles, avec leurs jeunes et charmantes per-
sonnes auxquelles les illusions de l'âge prêtent tant de charmes, se ren-
dant aux gares, le dimanche, tout habillées en fête et la gaîté, la joie
de vingt ans dans le cœur          A mesure que le temps multiplie les
jours, les semaines et les mois de ma triste solitude, il creuse et en
élargit le vide.... »


  Max Claudet a recueilli d'une main pieuse la correspon-
dance de son illustre maître, qu'il a publiée en partie dans
un charmant volume : Penaud statuaire et son Å“uvre, souve-