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DEUX AMITIÉS I43 d'espérance en surexcitant ses nerfs, lui enlevaient l'aima- ble égalité de son caractère. Ses entretiens avec la calme, raisonnable et pieuse Mina,la laissaient au contraire toujours meilleure qu'auparavant. Cependant sa mère la pressant de questions sur l'avenir de ses vers, elle fut forcée de lui avouer la vérité. Mme Des- noyelle se montra fort irritée contre Mme Dermont. — Pourquoi, dit-elle à sa fille, t'a-t'elle leurrée d'espé- rances, de promesses qui ne devaient pas aboutir? Elle con- naissait tes vers avant de te connaître, elle avait donc pu les juger; je croirais vraiment qu'elle s'en estservie de prétexte pour t'attirer à elle et charmer ainsi sa solitude. — Et quand cela serait, s'écria Marie, d'un ton d'aigreur, pour la première fois de sa vie, ne suis-je pas amplement dédommagée par le bonheur que me procure cette agréable relation ? Mmc Desnoyelle regarda sa fille avec une douloureuse surprise, resta un moment silencieuse, puis reprit avec une douce fermeté. — Est-ce une vraie, une pure amitié que celle qui me prive presque constamment de ta société, qui t'a enlevé le goût de tes travaux manuels, qui te fait négliger ta correspon- dance avec la bonne Mina et me répondre enfin comme tu viens de le faire ? Ah ! Marie, tu n'es plus toi-même ; hélas! la faute en est à moi qui ai permis trop légèrement cette liaison. Marie, repentante de sa vivacité, se jeta au cou de sa mère. — Pardonne-moi, lui dit-elle, mais, je t'en prie, n'ac- cuse pas Mme Dermont, si bonne, si aimable ; ô mère, je l'aime passionnément. — La sincère amitié est plus calme, ma fille; suis le con- seil que je te donne, ne cesse pas brusquement de voir cette