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 46                   LA PIERRE A ÉCUELLE
 la création rapportée dans la Genèse, de voir plutôt dans
 l'homme, selon l'expression de Lamartine, « un ange
tombé qui se souvient des cieux ! »
    La mémoire du bienheureux Martin n'en demeure pas
 moins chère dans les lieux du Forez qu'il traversa ; elle est
surtout restée au cœur des gens de la campagne, qui por-
taient alors le nom de payens, du latin pagani (1), parce
qu'alors, moins instruits que les habitants des villes, ils
étaient plongés dans les plus grandes superstitions. Saint
Martin est proprement l'apôtre de la campagne, « ce qui
ne lui est pas peu glorieux, dit Lenain de Tillemont, son
annaliste (2), et rien ne convient mieux à son amour de
l'humilité et de la pauvreté, qui paraissent avoir été son ca-
ractère particulier. »
    Il voyageait sans faste, accompagné d'un chien et monté
probablement, suivant les lieux qu'il parcourait, sur des
bêtes d'emprunt, tantôt sur un cheval, tantôt sur un âne.
A propos de ce dernier animal, constatons que ce n'est pas
de celui du saint qu'il s'agit dans cette vieille locution po-
pulaire : Pour un point, Martin perdit son âne.
    Ce Martin (3), prêtre aussi, était abbé de l'abbaye d'A-
sello; il eut un jour, suivant la mode du temps, la malen-
contreuse idée de faire mettre, au-dessus de la porte de son
monastère, ces quelques mots :

      PORTA PATENS ESTO, KVLLI CLAUDARIS HONESTO.

  L'ouvrier chargé du travail mit, par inadvertance sans
doute, un point après le mot nulli. Sa S. le Pape, vint à

  (1) La Gaule chrétienne, p. 62.
  (2) D'après Saint-Sulpice Sévère.
  (3) L'anecdote est empruntée au Dictionnaire de Trévoux, 1731,111,
225, qui l'attribue à un médecin italien nommé Cardan.