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                       LA PIERRE A ÉCUELLE                           43
  accompagné du chien qui ne le quittait jamais. Tout à
  coup, du bois du suc s'élance brusquement un loup gigan-
  tesque dont la gueule menaçante laisse couler un flot de
  bave écumante. La bête fauve était enragée (sic); en un ins-
  tant elle eut dévoré le chien et, aussitôt après, elle se mit à
  déchirer de ses dents l'âne si terrifié qu'il était resté en place.
  Saint Martin eut peur pour lui-même ; il s'élança vivement
  à terre, de l'autre côté de sa monture, et, dans ce péril
' extrême, se précipita à genoux pour implorer l'aide de
  Dieu. Il se signa dévotement; le loup enragé, qui était en-
  voyé là par le diable, le grand estafier (1) qui le suivait
  partout, lança sur lui des regards ardents de convoitise : le
  saint moine fit alors vœu à Dieu que, s'il échappait au pé-
  ril, il bâtirait une chapelle à l'endroit même où, en fuyant,
  il pourrait s'arrêter en sûreté. Immédiatement, et comme
 il s'élançait pour courir, il se sentit comme soulevé par une
 force mystérieuse; il lui parut qu'un ange le tenait sus-
 pendu dans les cieux et l'entraînait, au-dessus des eaux du
 lac du Forez (2), vers une île où il se trouva bientôt dé-


   fi) Le diable est appelé VEstafier de saint Martin, parce qu'on le peint
d'ordinaire à la suite du saint. —Dict. de Trévoux, p. 226, verbo Martin
 (Saint).
   (2) Le lac du Forez, à l'époque de saint Martin, qui dut voyager
dans nos contrées de 375 à 383 après J . - C , est un véritable anachro-
nisme, mais les auteurs de la légende n'y ont pas regardé de si près. Il
est néanmoins certain que ce lac, dont le souvenir est encore si popu-
laire de nos jours, a existé jusqu'à environ le premier siècle de notre
ère : Anne d'Urfé, dans sa Description du pats de Forez, écrite vers 1606,
en fait mention expresse, et le P. Fodéré, en sa Narration historique des
Couvents de Saint-François, 1614, p. 470, rappelle « le grand pasquage
marécageux à cause que la rivière de Loyre regorgeoit sur la grande
plaine du païs. » On verra, dans notre rapport sur AquaSegeta, Mediola-
num, Moingt et Cbampdieu, imprimé chez Huguet, à Montbrison, en
 1880, qu'il fut desséché par les Romains, au moyen du dégagement de
la Loire à Pinay. — Les « boucles de fer, » citées par Anne Durfé,