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route très accidentée qui n'était pas celle par laquelle
j'étais arrivé, nous nous arrêtâmes près d'un ruisseau
pour nous reposer et prendre quelque nourriture. J'admi-
rais mon Kabyle, qui pour toute provision de bouche de
lajournée avait sous le bras deux poignées de fèves vertes
qu'il avait prises dans un champ et dont il croquait tout
en cheminant les graines vertes qu'il écossait. L'endroit
était ombreux et frais, j'y fusse resté volontiers plus
longtemps ; mais il fallait cependant arriver avant la
nuit à Tyzi-ou-Zou. J'avais eu soin de donner à mon
iris la place la plus sûre dans mes bagages, et de temps
en temps je le caressais de mon regard presque amou-
reux, avec une certaine satisfaction.
    Nous marchions depuis une heure ; huche sur mon
 cheval, je dormais à moitié, lorsque mon attention fut
éveillée à l'aspect d'un plateau entièrement couvert d'une
 belle végétation dont le vert tendre était entrecoupé de
plaques bleues. Descendre de ma monture et courir vers
les parties fleuries fut l'affaire d'un instant : j'étais en
face d'un champ de plusieurs hectares couvert d'Iris
filiformis ! Jugez de ma surprise ! Mon ravissement
était si grand que mon guide crut que je devenais fou,
lorsque saisissant par la tige la plante qu'il m'avait vue
si religieusement soigner, je la jetai au loin avec mépris.
Je choisis la plus belle touffe, rejetant toujours celle que je
venais d'arracher pour la remplacer par une plus belle ;
j'eusse voulu les emporter toutes ; mais il fallut me con-
tenter d'en composer un énorme paquet et quitter ce sol
fleuri sur lequel je regrettais de ne pouvoir transporter
mon ami Hénon.
   Néanmoins, en cherchant bien à analyser mes émo-
tions, je me demandais si ma première découverte ne
m'avait pas rendu relativement plus heureux que la