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mis 375 route très accidentée qui n'était pas celle par laquelle j'étais arrivé, nous nous arrêtâmes près d'un ruisseau pour nous reposer et prendre quelque nourriture. J'admi- rais mon Kabyle, qui pour toute provision de bouche de lajournée avait sous le bras deux poignées de fèves vertes qu'il avait prises dans un champ et dont il croquait tout en cheminant les graines vertes qu'il écossait. L'endroit était ombreux et frais, j'y fusse resté volontiers plus longtemps ; mais il fallait cependant arriver avant la nuit à Tyzi-ou-Zou. J'avais eu soin de donner à mon iris la place la plus sûre dans mes bagages, et de temps en temps je le caressais de mon regard presque amou- reux, avec une certaine satisfaction. Nous marchions depuis une heure ; huche sur mon cheval, je dormais à moitié, lorsque mon attention fut éveillée à l'aspect d'un plateau entièrement couvert d'une belle végétation dont le vert tendre était entrecoupé de plaques bleues. Descendre de ma monture et courir vers les parties fleuries fut l'affaire d'un instant : j'étais en face d'un champ de plusieurs hectares couvert d'Iris filiformis ! Jugez de ma surprise ! Mon ravissement était si grand que mon guide crut que je devenais fou, lorsque saisissant par la tige la plante qu'il m'avait vue si religieusement soigner, je la jetai au loin avec mépris. Je choisis la plus belle touffe, rejetant toujours celle que je venais d'arracher pour la remplacer par une plus belle ; j'eusse voulu les emporter toutes ; mais il fallut me con- tenter d'en composer un énorme paquet et quitter ce sol fleuri sur lequel je regrettais de ne pouvoir transporter mon ami Hénon. Néanmoins, en cherchant bien à analyser mes émo- tions, je me demandais si ma première découverte ne m'avait pas rendu relativement plus heureux que la