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                        MON AMI GABRIEL                      219

  merveille à la paix profonde de l'heure crépusculaire.
  Puis des voix plaintives semblables à des prières mon-
  taient vers le ciel ; parfois interrompues par de tumul-
  tueux accents, les voix reprenaient leur cantique plas
  suppliant et plus triste, et le chœur continuait son chant
  sacré avec une mâle et sévère énergie.
     Louise avait pris son enfant dans ses bras et s'était
  dirigée vers l'extrémité du jardin. La porte du pavillon
  s'était trouvée ouverte : elle était entrée sans être
  aperçue et s'était assise sur un canapé de jonc. Gabriel,
 le regard plongé dans le bleu du ciel qui s'assombris-
  sait, poursuivait son inspiration et confiait à l'orgue ses
 secrets et ses tristesses. Tout à coup, un gémissement
 vint se mêler à ses accords. Il s'arrêta, croyant être
 l'objet d'une illusion: mais des pleurs achevèrent sa
 phrase. Il se leva effrayé comme s'il eût été tiré d'un
 songe.
    — Louise !.. . dit-il en s'approchant du canapé.
    — Mon ami. . . répondit la jeune femme d'une voix
 entrecoupée, je voudrais vous parler. ..
    Gabriel s'assit auprès d'elle et lui prit affectueusement
 la main.
    — . . . J'ai aimé Francis !.. . reprit-elle en surmon-
tant une violente émotion. Pardonnez-moi... J'ai besoin
de votre pardon... Gabriel ! vous savez que je ne suis
pas coupable... Je ne savais pas que je l'aimais...
c'était inconscient... J'ai tant souffert!... Je lui ai
dit de partir, et il est p a r t i . . . Mais il ne sait rien, je
vous le jure ! Personne ne sait ce que j'ai pu souffrir.. .
N'en dites rien à ma mère. Mais pardonnez-moi !
    Gabriel demeurait muet et versait aussi des pleurs.
Un rayon de lune pénétrant par la porte lui laissa voir
l'indicible angoisse, qu'exprimait le visage de Louise.