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                      MON AMI GABRIEL                     149

 Il m'a fait vingt questions sur ma malade de l'hôtel du
 Parc. Je ne l'ai jamais vu si impressionnable.
    Le silence s'était rétabli dans !a maison. En rentrant
 dans la chambre à coucher, Gabriel avait trouvé l'enfant
 endormi dans sa couchette blanche et la jeune mère à
 moitié assoupie. Il s'était assis avec précaution au pied
 du lit. Le repos, le silence, la lumière tamisée de la veil-
 leuse répandaient dans son âme une ineffable sérénité ;
 il se sentait entouré d'une paix solennelle ; cette cham-
 bre tranquille avait une physionomie pure et riante, et
 aussi toute nouvelle : comme elle était plus remplie,
 depuis que le petit berceau occupait un bel espace entre
 le lit et le canapé !
    On entendait encore dans la rue les derniers bruits
 d'une ville qui s'endort ; le roulement sourd des rares
 voitures qui rentraient à la remise, le choc des dernières
 portes qui se fermaient, le pas précipité des gens qui
 revenaient du café ou du théâtre, et au milieu de toutes
 ces lointaines rumeurs la respiration un peu irrégulière
 de sa femme qui semblait s'unir au souffle presque
insensible du frêle petit être endormi près d'elle. Les
yeux de Gabriel allaient du lit au berceau, de l'une à
l'autre de ces faibles créatures qui reposaient sous sa
protection ; un sentiment de force et de plénitude de
vie s'élevait dans son cœur. Le fauteuil dans lequel il
était assis devenait plus moelleux, la clarté de la veil-
leuse était plus douce ; le sommeil ne l'obsédait pas, et
ce calme profond le reposait assez des ennuis de la
journée.
    Par un enchaînement tout naturel, mon ami vint à
comparer son bonheur présent à la situation de ceux qui
étaient aux prises avec les difficultés de la vie. Dans une
demi-somnolence, il rêvait à ses amis, et de l'un à l'au-