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LE PAGE DU BARON DES ADRETS. 469 l'église. Il s'y glissa avec précaution, et arrivé près de la lumière, vit le page profondément endormi, puis à deux pas, le redoutable Bras-de-Fer, mollement couché sur plusieurs doubles d'un beau tapis. Mais ce qui étonna Cornes-du-Diable, c'est qu'il ne ronflait pas et toute l'armée savait que le terrible huguenot faisait en dormant un bruit formidable. Il fallait redoubler de précautions. Cornes-du-Diable attendit un instant, tira son poignard, mais n'osa faire un pas de plus ; il eut peur d'un piège. « Et si Bras-de-Fer dormait comme les chats, se dit-il, » et rejoignant ses camarades il leur raconta ses impressions. — Les cordes ! dit l'officier. Et tous vinrent vers la lumière en retenant leur respira- tion. Cornes-du-Diable, le premier, portait deux liens à la bouche. Arrivés près des dormeurs, ils s'arrêtèient. L'instant était décisif, ils allaient tenir leur proie. Cornes-du-Diable n'avait .plus qu'un pas à faire et il pouvait lier son homme. Etendant les bras, il passa les cordes sous les jambes de Bras-de-Fer et, avec une pré- caution infinie fit un nœud coulant et serra. Bras-de- Fer ne bougea pas. C'en était donc fait de lui ; tous les poignards se tirèrent à la fois et les mains se levèrent. Par un raffinement de cruauté, les assassins ne frap- pèrent pas encore ; ils jouissaient de l'assassinat qu'ils allaient commettre, semblables au tigre qui, après avoir enfoncé ses griffes dans les chairs de sa victime, ne la dévore pas de suite, mais lèche peu à peu, avec une sensualité cruelle, le sang qui coule; ses griffes s'enfon- cent peu à peu, le sang coule en plus grande abondance, enfin il la dévore. Flavio ne dormait pas; ses paupières étaient closes,