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                MONSIEUR DINENVILLE.



     On ne m'a pas su dire au juste si M. Dinenville est veut
  ou vieux garçon; mais à coup sûr il n'a dans sa maison
 qu'une cuisinière fort âgée, dévouée au service de la famille
 depuis le printemps de sa vie, qu'elle achève aujourd'hui
 dans une douce et molle oisiveté.
    M. Dinenville se cabre à l'idée affreuse de prendre ses
 repas chez lui ; la solitude l'effraie : de là vient sans doute
 son admirable tactique pour trouver chez autrui sa serviette
 et son couvert. Son humeur est joyeuse, son esprit conteur,
 ses manières affables; c'est le convive par excellence : il
 est l'ornement et fait la joie des banquets de toutes ses rela-
 tions ; et certes ce n'est pas peu dire, car M. Dinenville
multiplie à l'infini ses attachements cornue autant de chan-
ces d'invitations. 11 sait d'ailleurs déterminer et surprendre
même l'intention de ses amis de le convier a leur table ;
d'ailleurs il est l'intime de plusieurs maisons, dans lesquelles
son couvert n'est pas plus oublié que la salière ou la carafe;
pis-aller plein de charmes sur lequel sa pensée se repose,
qui lui épargne l'horrible perspective de ne pas dîner en ville.
Il connaît l'économie animale de chacun, et son élastique
appétit se plie' aux diverses heures de réfection adoptées
dans les maisons qu'il fréquente. Le nez au vent, les narines
pincées et aspirantes, il arrive assez ordinairement chez les
gens à l'ébullition de la soupe, à la demi-cuisson du rôti.
    Ses visites, qu'il prolonge avec adresse et amabilité,
deviennent fréquemment dînatoires ; car la plus légère pro-