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132 J'AI RETROUVÉ M CRAIE. A tion bien visible, bien flamboyante, et je ne crus pas de- voir ajouter au ressentiment qu'elle pouvait inspirer à mon oncle, en confectionnant de nouveaux dessins rouges, sur le petit nombre de surfaces planes qui restaient encore à ma disposition dans la campagne. Hélas ! ce doux nid de mon enfance, ma jeunesse dut l'abandonner; je le quittai ainsi que l'oiseau des champs, non sans regretter, comme lui, durant les moments d'orage, l'abri sûr et tutélaire où mes premiers jours trouvèrent tant de bonheur et de repos. Comme lui aussi je n'y revins plus ; les vicissitudes d'une carrière errante, la mort des miens, le changement de propriétaire de la maison paternelle, des chagrins et des maux, en un mot, cet ensemble de circonstances, au sein desquelles le sort de l'homme est ballotté, me détourna de l'envie ou delà possibilité de visiter encore ce lieu chéri, dont l'aspect, en évoquant un passé si rempli de charmes, devait assombrir le présent où je suis parvenu et l'avenir où je m'enfonce. Il y avait quarante années que je n'avais revu ce séjour, quand, durant l'automne passé, soudain l'envie me prit d'y retourner encore une fois. C'était alors le règne de ces derniers beaux jours où l'air est si pur, si frais, si limpide, où la nature près d'être dé- pouillée de sa beauté, semble ajouter à ses charmes pour les faire regretter davantage, où l'on jouit de ses faveurs que l'on va perdre, avec de douces rêveries qui s'alimen- tent de nos bonheurs évanouis et semblent revêtir notre âme du deuil des illusions qu'elle pleure et des amis qu'elle a perdus. La journée s'annonçait avec magnificence; le soleil, à son lever, ceignait d'une couronne d'or la cime des hauts peu- pliers, ses rayons effleuraient la campagne, sur laquelle ils descendaient par degrés ; un souffle matinal et frais, sans courber les branches des arbres, en agitait les feuilles, dont quelques-unes déjà jaunies, tombaient en tournoyant