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104               CINQ-MARS ET DE THOU.

    « Dans le carrosse ils récitèrent, avec leurs confes-
seurs, les litanies de Nostre-Dame et autres prières et
oraisons éjaculatoires ; firent plusieurs actes de contri-
tion et d'amour de Dieu ; tinrent plusieurs discours de
l'éternité, de la constance des martyrs et des tourments
qu'ils avoient soufferts. Ils saluoient fort civilement, de
temps en temps, le peuple, qui remplissoit les rues par
où ils passoient. M. de Thou demanda encore une fois
pardon à M. de Cinq-Mars , a\ ec humilité, luy disant :
 « — Monsieur, je vous demande très-humblement par-
don si j'ay esté si malheureux que de vous avoir offensé
en quoy que ce soit. » — « — Hélas ! Monsieur, c'est
« moy, répondit M. de Cinq-Mars, qui vous ai bien
 « offensé, et je vous en demande pardon. » — Et là-
dessus ils s'embrassèrent tendrement. Quelque temps
après, M. de Thou dit à M. de Cinq-Mars : « — Mon-
 « sieur, il me semble que vous devez avoir plus de re-
« grets de mourir que non pas moy : vous estes plus
 « jeune, vous estes plus grand dans le monde ; vous aviez
 « de plus grandes espérances ; vous estiez le favory
 « d'un grand Roy; mais je vous assure pourtant, Mon-
 « sieur, que vous ne devez point regretter tout cela, qui
« n'est que du vent ; car assurément nous nous allions
 « perdre; nous nous fussions damnés et Dieu nous veut
« sauver. Je tiens nostre mort pour une marque infail-
 « lible de nostre prédestination pour laquelle nous avons
« mille fois plus d'obligation à Dieu que s'il nous avoit
 « donné tous les biens du monde : nous ne le saurions
« assez remercier. » — Ces paroles esmeureni M. de
                           ~
Cinq-Mars presque jusques aux larmes.
  « Après, il continua ; « — Monsieur, mon cher amy,