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474 UN ENFANT DE CHOEUR.
Jeannette ne connaissait pas le texte ; mais elle savait le
chant de l'église aussi bien qu'un enfant de chœur; elle sui-
vait son coryphée qui chantait a pleine voix. Jamais bouches
plus pures n'avaient célébré les louanges du Seigneur. Le
motet fut repris et continué jusqu'à ce que les chanteurs
perdissent haleine ; alors ils avaient aussi perdu un peu de
leur frayeur. Us se blottirent chacun dans son coin, muets
etimmobiles. Les minutes s'écoulaient lentement, aucun bruit
ne rompait le silence des environs ; le sommeil appesantit
bientôt leurs paupières. Le'jeune garçon s'endormit le pre-
mier, Jeannette ne tarda pas à l'imiter.
Au bout d'un quart d'heure, le calme de la ville fut troublé
par l'arrivée d'une voiture de voyage. Tandis qu'on chan-
geait les chevaux sur la place même où demeurait le maître
de poste, un homme enveloppé dans un épais manteau, des-
cendit, et tendit, en hésitant quelque peu, la main à une dame,
en lui disant en italien :
— Vous allez vous enrhumer, ma chère.
Là belle voyageuse ne répondit pas, mais sauta avec grâce
sur la neige. Un domestique prit une torche des mains d'un
palefrenier, et précéda les maîtres qui s'avançaient vers
l'église: La dame examinait attentivement les délicates scul-
ptures dentelées qui décorent le portique principal ; ses
beaux yeux noirs se levaient avec impatience vers le sommet
du monument encore couronné de brume ; ils cherchaient
les hautes flèches qui nageaient dans un océan de ténèbres;
puis, ses regards descendant vers le parvis, elle poussa un
cri de surprise, quitta le bras sur lequel elle s'appuyait, et
courut vers le couple qui dormait sous le portique.
— Voyez, Monsieur, dit-elle, en se servant de la belle
langue toscane, qui avait dans sa bouche un charme parti-
culier, voyez ces pauvres enfants qui sont couchés dans la
neige ! Giacomo, approchez la torche.