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DE L'INFINI. 339 le cours même de la vie, à un infini générateur du mouve- ment et de la durée. Encore bien que nous ne puissions nous faire attester par les yeux du corps que des parties de la durée et de l'espace, toujours mesurables et discontinues, puisqu'elles représentent une quantité et qu'elles sont for- mées des éléments nécessairement étendus et séparés dont toute quantité se compose, notre pensée nous fait saisir la continuité absolue du temps et du mouvement dans les choses matérielles qui se déplacent ou qui durent; et ce n'est pas qu'en cela notre pensée poursuive une abstraction, c'est quelque chose d'immédiat et de positif qui est par nous pris au passage, c'est l'épreuve que notre vie physique ne peut manquer de faire de la réalité de l'infini. Telle est l'in- génieuse démonstration que le P. Gratry appelle à son se- cours . Nous la croyons tirée d'un évident paralogisme. Le respec- table auteur avance que le temps et le mouvement croissent par parties infinitésimales, ou plus petites que toute gran- deur donnée, et que c'est ainsi que s'engendre la durée, que se produit le parcours d'un corps dans l'espace. Nous nions de toutes nos forces une pareille assertion. Il est clair pour nous qu'une quantité qni ne croîtrait que par parties infini- tésimales, ne croîtrait pas du tout. En effet, vous auriez beau additionner des parties plus petites que toute quantité don- née, elles ne pourraient jamais, par leur ensemble, composer une quantité. L'infiniment petit, joint a l'infiniment petit, ne donne, en fait de quantité, rien de plus que lui-même. Une série d'infiniment petits laisse exactement les choses dans le même état qu'au point de départ, car l'infini n'a pas de de- grés et n'est pas susceptible de moins ou de plus. Là est donc l'erreur du P. Gratry ; elle gît a supposer que des parties infinitésimales puissent, par leur succession continue, ex- pliquer la croissance concrète et produire le mouvement et