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336 DE L'INFINI. Le P. Gratry s'est habilement tiré d'embarras en profitant d'une concession que son critique lui avait faite et que, selon moi, il n'avait point à lui faire. M. Saisset a commis l'impru- dence d'accorder, sans doute a la faveur de l'équivoque de l'expression, qu'en métaphysique le procédé dialectique passe du fini à l'infini. A l'instant, le P. Gratry a tenu la concession pour faite dans le sens de ses principes, a savoir que la rai- son a en métaphysique un moyen d'atteindre réellement l'infini. Armé de cet aveu, il n'a pas eu de peine à ressaisir l'offensive et a soutenir contre M. Saisset que la raison ne pouvait avoir des procédés logiques différents, c'est-à -dire raisonner autrement, selon qu'il s'agissait de philosophie ou de géométrie et de physique. De ce côté, le critique avait fait une fausse manœuvre ; il aurait dû nier très-catégori- quement qu'en métaphysique ou ailleurs la raison humaine pût se défaire, de ses bornes, comme un paralytique qui jette ses béquilles, et appréhender l'infini. Faute de cette position nettement prise par M. Saisset, le P. Gratry, en dialecticien consommé, a excellé a battre le point faible de son ad- versaire. Comment en effet concevoir que nous puissions saisir réellement l'infini ? Qu'est-ce que l'infini ? Quelle connais- sance avons-nous de l'infini? Ce seraient les premières ques- tions à se poser. L'infini, si nous cherchons au fond de notre esprit l'idée que ce mot représente, est ce qui répugne à toute limi- tation, ce qui existe sans avoir, a quelque point de vue que ce soit, des bornes ? Nous ne pouvons faire autrement que de penser qu'il existe quelque chose de semblable. De plein jet nous transportons cette idée à Dieu, ou plutôt nous nous apercevons qu'elle est une suite de l'idée de Dieu. Compren- drions-nous Dieu sous quelque rapport que ce fût, sans l'attribut de l'infinitude? Comme être, comme cause, comme