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98 NOTICE SUR J . - B . DUMAS. aussi à écrire de préférence sur des matières d'intérêt public. Mais, en province, où on est loin du centre d'où peut partir une influence vraiment directrice, l'homme de lettres est demeuré davantage dans ce que j'appellerais la tradition classique; et les lettres y étant cultivées pour elles-mêmes, comme ces vergers de nos pères qu'on garde pour leurs bons fruits, sans vouloir les céder à l'invasion des pelouses fleuries des jardins a la mode, il n'est pas rare d'y trouver des types qui tendent à disparaître ailleurs, • C'est un de ceux-là que je crois apercevoir dans Dumas, autant qu'il m'est possible d'en juger par la lecture de ses ou- vrages et surlout de ses manuscrits qui portent la confidence plus franche de son tempérament littéraire. Je me le figure dans son salon où, parmi des gens qui font et aiment les frais de l'esprit, se décrivent les méandres inattendus et capricieux d'une causerie qui commente les événements du jour et se répand sur tous les sujets. Si au coin du feu s'assied une femme belle, aimable et distinguée, qui donne le ton et maintient sans raideur les disciplines naturelles du goût, de la réserve et des grâces , lui il apporte les Irésors, les à -propos heureux d'une mémoire enrichie par beaucoup de lecture, et cette veine de gaîté légèrement osée et mali- cieuse qui avive les choses, qui menace de faire déborder l'entretien et n'assure que mieux son cours. Je le vois hom- me de bonne mine, radieux, h l'aise dans tous les souvenirs de l'histoire littéraire, réprimant d'un fin sourire tout ce qui sur ses lèvres serait près de contracter l'accent pédantesque, je le vois fléchissant pour ainsi dire la science aux besoins d'une conversation spirituelle, enjouée, pleine d'urbanité délicate avec les dames. Il est de l'école de l'honnête homme du XVIIe siècle, du chevalier de Méré, qui recommandait l'entretien des dames, parce que là seulement l'esprit se fait. Il dirait volontiers avec l'écrivain anglais que les hommes