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LYON AVANT 8 9 . 33 L'ouvrier, de son côté, était obligé d'abdiquer jusqu'à un certain point sa propre opinion pour se conformer à celle de sa corporation. Cependant, je ne saurais admettre qu'il ne trouvât pas, au sein de ces grandes associalions, un appui réel et une véritable indépendance. Il n'était lié à aucun fa- bricant; il travaillait chez lui, quand il voulait et pour qui il voulait. Ses seuls supérieurs étaient les maîtres-gardes, nom- més par lui et le consulat, pouvoir directement issu du suffrage populaire. N'étaient-ce point là autant de garanties pour l'in- dépendance de l'ouvrier? Du reste, les avantages de la liberté n'étaient encore que bien peu compris du peuple. Quand le ministère royal, en 1786, abolit les tarifs officiels pour le prix de la main d'oeuvre, il agissait à coup sûr dans le sens libéral. Qu'en arriva-t-il? Ce qui advint alors de toutes les tentatives généreuses et intelligentes. Les ouvriers se plaignirent ; ils dirent hautement qu'on les mettait à la merci des négociants. qui allaient profiter de leur misère pour abaisser indéfini- ment le salaire. Un curieux mémoire adressé à ce sujet au roi, en 1789, par les ouvriers de la grande fabrique lyonnaise, nous découvre les mystères économiques de leur vie la plus intime. Je sais qu'il faut accepter avec réserve ces renseigne- ments statistiques, dont l'apparente et prétentieuse précision cache trop souvent une erreur générale ; ainsi le mémoire des ouvriers de Lyon établit que l'artisan, placé dans les meilleures conditions, c'est-à -dire ayant trois métiers, dons l'un occupé par lui, un autre par sa femme, et le troisième par un compagnon, auquel il donne, à raison de dix-huit sous de façon par aune d'étoffe, 374 livres par an, ne peut gagner plus de 1,94-4 livres 16 sous, tandis que sa dépense s'élève nécessairement à 2,301 livres 8 sous. L'exagération est évidenle, mais si nous ne pouvons accepter d'une manière absolue l'ensemble du tableau, plusieurs de ses détails n'en sont pas moins curieux et instructifs. Relativement à laques-