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494 MACAULAY. dans l'ordre intellectuel comme dans l'ordre physique ou l'oidre moral, la vigueur de la jeunesse qui fait la force des nations? Si l'enseignement supérieur est constitué en France autrement qu'en Angleterre, il n'en a pas moins la même mission, il n'en aura pas moins, espérons le, la même puissance,- mission spéciale et que dans notre société actuelle rien ne saurait remplacer d'une manière utile. Après avoir été un scholar éminent, et s'être sur les banes même de l'école inspiré de Tite-Live pour composer des chants épiques, prélude d'oeuvres plus sérieuses qui devaient faire de lui un rival du grand historien romain, le jeune Macaulay s'exerça dans la critique. Il débuta dans les revues, par ce qu'on appelle en Angleterre des Essais. L'Essai est un genre littéraire à part, qui a sa valeur et qui a ses abus. C'est un genre difficile à caracté- riser, dont l'objet est de traiter devant le public toutes les ques- tions qui l'intéressent, de le tenir au courant de tout ce qui se fait d'important dans les lettres et les arts, comme dans la po- litique, comme dans la science ou l'industrie. Au sein de notre société actuelle il nous est difficile d'avoir plus d'une spécialité ; mais, tous tant que nous sommes, nous sommes forcés d'avoir aussi une connaissance générale de ce qui est en dehors de cette spécialité. Nous devons, sous peine de n'être pas de notre temps, tenir toujours une oreille ouverte aux bruits extérieurs. Nous avons besoin d'un écho qui nous répète ce qui se fait autour de nous. Ainsi, tandis que l'historien, le philosophe ou le savant ne s'adressent qu'à un public plus ou moins spécial, l'écrivain de revue s'adresse à tous les hommes éclairés. L'article ou l'essai a par cela même plus de popularité et souvent plus de faveur que le livre. Il est spécial dans une certaine mesure et général dans une autre mesure : il est sérieux et il est léger; on le lit attenti- vement et on le feuilleté ; il donne des idées et souvent de sim- ples aperçus : il satisfait le savant, et i! plaît à l'homme du monde ; il sent le travail, et il court avec la facilité de l'impro- visation. Il reste enfin où il passe, parce qu'il constate et qu'il reflète ce qu'il y a de durable comme ce qu'il y a de passager dans le travail intellectuel contemporain.