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                            MACAULAY.                            491

   Écrire pour la postérité est une noble ambition, si l'on en-
tend parla faire une Å“uvre durable. Je comprends encore cette
ambition d'une manière particulière chez ces écrivains qui,
comme Thucydide et surtout Tacite, appartenaient à des partis
vaincus et faisaient l'histoire de leur temps pour la livrer au ju-
gement des générations qui devaient les suivre. Mais si le sys-
tème est admissible en ce sens, il ne-l'est pas autrement. Thucy-
dide, Tacite n'ont rien d'abstrait, et sont, avec tout leur génie,
l'un un Athénien du siècle de Périclès, l'autre un Romain de
l'Empire. Ce même caractère est encore plus frappant chez les
autres grands historiens de l'antiquité; tous ont eu les passions
et les idées de leur temps ; ils n'ont pu, ils ne pouvaient avoir
celles de la postérité. S'ils nous intéressent, s'ils nous émeuvent,
c'est qu'ils ont été eux-mêmes profondément intéressés et émus;
c'est ainsi qu'ils ont pu nous léguer de leurs siècles d'immortelles
peintures. Si je ne craignais d'employer le langage de la philo-
sophie allemande, je dirais que l'histoire est moins objective que
subjective, qu'emportés par le déplacement continuel de la
scène du monde, nous ne sommes pas maîtres de ne pas consi-
dérer sans cesse les révolutions de la société sous des aspects
nouveaux, et de ne pas voir, sinon le spectacle changer, du
moins les ombres et la lumière s'y ^répartir d'une manière diffé-
rente. J'ajouterai que l'historien qui fait le tableau du présent,
peut songer aux lecteurs à venir, mais que celui qui représente
le passé, n'a aucun besoin de reculer la perspective; ses contem-
porains seront toujours à une distance suffisante des événements
qu'il retrace pour qu'il s'adresse à eux directement.
   C'est pour cela que je me propose de vous présenter de courtes
considérations directement applicables au temps où nous som-
mes. Notre siècle compte déjà plusieurs grands historiens. L'un
d'eux, qu'une mort imprévue est venu frapper cette année
même, a laissé après lui une trace brillante destinée à rayonner
longtemps. Macaulay a été une des illustrations de l'Angleterre;
mais s'il a eu à un degré tout particulier l'esprit de son pays qui
n'est pas celui du nôtre, ce n'est pas pour l'Angleterre seule que
sa vie et ses œuvres présentent d'utiles enseignements. Né avec