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DE M. SERVAN DE SUGNY. 473 talent à l'expérience judiciaire des magistrats de la Cour de Lyon ? Combien ce retour au centre de ses affections eût été plus en harmonie qu'une disgrâce avec tous les titres de préférence que nous venons d'énumérer, avec tous ceux qu'il nous reste a dérouler encore ! Combien cette issue eût été plus honorable pour le régime constitutionnel, qui avait la prétention de favoriser le mérite, que cette révocation cruelle arrachant ces tristes paroles à la victime d'élite immolée a un caprice ! « Adieu, noble magistrature , a qui j'ai consacré les meilleures et les plus belles années que le ciel m'ait départies ici-bas, adieu ! Beaucoup d'ennuis, peu d'agrément, jamais de faveur, voila quel a été mon lot, pendant que je t'ai appartenu, et cependant je ne voudrais pas, à l'heure qu'il est, avoir embrassé une autre carrière. 11 est vrai que c'est aux conseils d'un illustre et bien-aimé vieillard que j'ai dû d'avoir revêtu cette toge qu'on vient de m'arracher, sans qu'il y ait eu démérite de ma part, et que ce seul souvenir suffirait pour me la rendre chère; mais il est encore une autre considération qui me porte a m'applaudir de la direc- tion que j'ai donnée a mon existence. « Dans la plupart des carrières publiques ou des profes- sions privées, l'homme intellectuel est mort, pour ainsi dire, celui qui les exerce se trouvant forcément jeté en dehors de toutes études et spéculations philosophiques ; en sorte qu'après une pratique un peu prolongée de ces états, quand l'heure du repos a sonné, on retombe lourdement sur soi- même, privé qu'on est, avant de dormir son dernier som- meil, d'une source féconde de distractions et de plaisir. Pour le magistrat, au contraire, les facultés de l'esprit ont constamment été tenues en éveil par l'exercice même de ces fonctions, qui n'ont roulé que sur de grands objets, l'homme, ses devoirs, ses intérêts, ses passions, ses crimes : sublimes