page suivante »
TRAITRE OU HÉROS. 311 ce jour. Que le ciel ail pitié de ton âme ! n'en attends plus de moi ! » Cela dit, il se retira. A un mois de là , une foule animée et impatiente s'agitait sur la place qui s'étend devant la cathédrale de Sassari. Celait par une matinée de juillet. À la plus radieuse aurore avait succédé un ciel dont l'azur diaphane laissait le regard pénétrer dans les profondeurs de l'infini, tandis que la cam- pagne et les vastes plaines de la mer apparaissaient souriantes et calmes sous un voile rose d'une transparence idéale ; spectacle fréquent en certains mois de l'été, dans les îles du levant et du midi de la Méditerranée, mais dont l'enchan- tement semble toujours nouveau. On entendait au loin les sons de la Launedda (1) et des flûtes et à mesure que ces sons se rapprochaient, un sentiment de curiosité de plus en plus vif semblait agiter la multitude. Elle s'ouvrit bienlôi pour faire (1) Dans les cérémonies habituellement très-brillantes d'un mariage sarde, des joueurs de flûte et de Launedda marchent en tête et précédent la mariée de quelques pas. La Launedda est un instrument de la plus haute antiquité. Il est composé de deux, souvent de trois et même quelquefois de quatre roseaux de longueur et de grosseur différentes et percés de plusieurs trous comme les flûtes ordinaires. Le musicien les place tous à la bouche et enjoué en même temps. Chaque roseau est muni d'une anche dans le genre de celle des hautbois modernes, et dont les parties sont jointes avec de la cire. Lorsque cet instrument est à trois tuyaux, deux sont à peu près égaux, mais le troisième qui est toujours placé à l'un des côtes extérieurs, varie considérablement en longueur et on grosseur ; il n'a qu'un trou et remplit l'emploi de basse continue. Les autres tuyaux se partagent le chant et l'ac- compagnement. Les airs exécutés par ces instruments sont, en général, des pastorales que l'on joue dans les églises pendant les offices, aux processions et aussi dans les fêtes profanes. La danse a des airs qui lui sont propres. Le son de la Launedda paraît d'abord étrange et sauvage; mais l'oreille s'y accoutume bientôt et finit car y trouver une harmonie toute particulière et pleine de mélancolie. M. de La Marmora n'hésite pas à retrouver dans la Launedda les véritables tibiœ pares et impures des anciens.