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236 CHRONIQUE LOCALE. ponts du Rhône appartenant à la ville ; celle mesure, vivement réclamée par la population ouvrière, va rejeter sur le vaste territoire des Brottcaux la population de notre cité et favoriser ce déplacement de l'occident à l'orient qui s'est toujours fait sentir dans notre ville, en opposition à ce qui se fait en général dans les autres pays, où le mouvement est, comme à Paris, d'orient en occident. Ces fêtes et ces derniers événements ont effacé le souvenir de ce qui s'était passé au commencement du mois. Nul ne se rappelle encore, à part quelques enfants couronnés et quelques heureuses mères, les distributions de prix à l'Ecole des beaux arls, au Lycée impérial, à la Marliniere, aux Chartreux, à Sainl-Thomas-d'Aquin, et surtout, nous l'espérons, nul ne pense plus À ce. drame fatal de Sainl-Cyr, dont la dernière et effrayante péripétie a eu lieu le 14 août au milieu d'un peuple entier. Aujourd'hui les esprits suivent un autre cours; l'Empereur et l'Impératrice visitent le midi après avoir parcouru les sites pittoresques de la Savoie et admiré la jolie petite ville d'Aix et ses bains célènres, réunissant aujourd'hui 5,000 bai- gneurs, Chambéry, Annecy, Thnnon. Chamounix, villes françaises, rentrées dans la grande unité aux applaudissements de leurs sœurs ; pendant que le cortège impérial descend vers la reine de la Méditerranée, Lyon reprend sa sérieuse activité, son commerce, ses études et cherche à retenir le sceptre de l'opulence et du savoir que Marseille s'ingénie à lui disputer. Parmi les souvenirs que l'Impératrice a laissés parmi nous, il en est un charmant qui peint sa gracieuse bienveillance et que nous croyons devoir conserver. C'était au bal de l'IIôtrlde-Villc; une foule pressée encombrait les salons et les invités, groupés au d< hois, ne pouvaient plus entrer sous le vestibule municipal. L'Empereur conduisant PImpéra rice, s'efforçait à fendre sans trop d'encombre et de désastres les flots de dentelles el de soie amoncelés autour de lui ; tout à coup, pris lui-même par le remous, se dresse devant les augustes promeneurs un grand el beau vieillard, dont la noble figure et les nombreuses décorations attiraient tous les regards. M. le Sénateur sourit de son embarras, et se tournant vers l'Empereur : — Sire, permcltez-moi de présenter à Votre Majesté M. le comte Des Guidi, introducteur de l'ho- mœopathie en France. L'Empereur salue gracieusement el l'Impératrice, par un geste spontané, tendant la main au doyen des médecins lyonnais : — Vous avez rendu de grands services à l'humanité, dit-elle. — A ces mots, à Ce geste, l'heureux interlocuteur sent couler ses larmes ; l'émotion arrête ses paroles; enfin, tenant toujours la main de l'Impératrice dans ses mains tremblantes, il lui dit au milieu du silence fait subi'einent autour d'eux : — Vous êtes la Providence des malheureux, Madame, et les pauvres sont h.ibilucs à vous bénir. Exhaussez la prière d'un vieilla-d qui touche au siècle. Obtenez de votre auguste époux que dans cette Faculté de méde- cine que sa puissante volonté ne peut manquer de créer à Lyon, il y ait une chaire où l'houiTopnlhic soit enseignée, et moi qui n'ai plus que quelques jours à vivre, moi qui ai consacié toute ma vie à répandre et à propager notre doctrine, je dirai comme S-méon : J'ai assez vécu, et j'em- ploierai mes derniers in-laiits à prier pour vous et à vous bénir. A cet appel suppliant on ne sait ce que l'Impératrice répondit, nous ne pouvons préjuger l'avenir, mais pendant trois minutes, tenant toujours le bras de l'Empereur, immobile et gracieuse au milieu de la foule, on vit l'Impératrice, la jeune femme suspendre la lèle, écouter la vive demande d'un vieillard, et donner un grand exemple de respect à la royauté des cheveux blancs en laissant sa main baignée de larmes entre les mains vénérables qui la retenaient. A. V. Aimé VUSGTRINIER, directeur-gérant.