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240                     ÉLOGE HISTORIQUE

bientôt au Tribunal de Gex, résidence jurassique heureuse-
ment choisie pour un poëte. 11 ne devait pas cependant y
faire un long séjour et, transféré au Tribunal de Saint-
Étienne, son admission dans une chambre temporaire allait
l'initier de bonne heure a toutes les exigences de la vie
militante, dans un siège très-surchargé. Investi tout a coup
de la présidence par intérim , une question de compétence
attirait sur lui pour un moment l'attention du monde judi-
ciaire et, afin que rien ne manquât à l'éclat de ce conflit, la
tribune législative retentissait bientôt des griefs de l'opinion,
contre l'institution des juges auditeurs.
   Nous avons peine a comprendre aujourd'hui tout le bruit
qui se fit autour d'un jugement de compétence, traduit en-
suite devant le parlement comme un attentat contre les
libertés publiques ; nous ne comprenons pas non plus qu'il
se soit trouvé, dans un barreau secondaire, un avocat assez
indépendant pour aborder une question de personnes et
venir contester leur autorité a des magistrats assis sur leur
siège. Mais si l'on réfléchit que l'édifice politique reposait
avant tout sur la légalité,que l'esprit de la constitution compor-
tait l'examen par tous de toutes les questions de droit public,
cette agression si vive au premier aspect s'explique et se
justifie par le zèle de la défense , dans un pays libre. A
trente ans de distance elle nous apparaît seulement comme
un hommage rendu à la loyauté et à la sincérité des insti-
tutions.
    Quoi qu'il en soit au surplus de cette appréciation ré-
trospective , cette circonstance fut capitale dans toute la
vie de M. Servan de Sugny : elle fit retentir son nom dans
 tous les sièges , elle lui attira les félicitations de ses chefs
 et, ce qui vaut encore mieux pour le public, elle lui ins-
 pira sa pièce des Tribulations d'un Juge auditeur, charmant
badinage, qui eut alors un succès de popularité. Cette vogue