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                        TRAITRE OU HEROS.                     231


                              RÉCIT-


     La reine Marie-Thérèse d'Autriche, femme de Victor-
   Emmanuel ] e r , princesse que distinguaient à la fois les dons
  de la beauté et ceux de l'intelligence, et dont on a pu dire
  in bel corpo anima bella, visitait un jour Cabras, bourg con-
  sidérable du midi de l'île. Ravie de la gracieuse tournure
 des jeunes paysannes et de la rare distinction de leurs traits,
 elle se plut à affirmer qu'elles pouvaient rivaliser avec les
 Géorgiennes elles-môme, et, prenant la main de l'une d'elles
 qui s'avançait unique et reine parmi ses compagnes, elle lui
 décerna le prix de la beauté, en déposant un baiser sur son
jeune front, à titre de couronne.
     L'amour des princes, en Sardaigne, est une religion qui
 unit indissolublement le roi à Dieu, dans le cœur et dans
 la foi du Sarde
     Ce baiser de la reine laissa donc sur le front de la jeune
fille comme un,e auréole de noblesse qui rehaussa de nou-
veaux rayons le pur éclat de sa beauté, et qu'elle n'eût pas
échangé contre la couronne de la plus illustre des grandes
baronnes de l'île.
    Thérésina Malipierri, ainsi se nommait notre héroïne, n'é-
tait pas riche, mais elle se crut dès ce jour au-dessus de la
fortune ; à elle comme aux siens, la richesse n'apparut plus
que comme un accessoire dont sa noblesse pouvait se passer,
et elle mit à sa main le haut prix du rang où elle se croyait
montée.
    La noblesse de l'île, indépendamment des grands barons
ou feudataires et des personnes titrées sans fief ni juridictions,
se composait alors en second ordre, de chevaliers, ou nobles,
prenant le litre de don. Cette classe était et est toujours
fort nombreuse et peut, sous beaucoup de rapports, être