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42 VOYAGES. reconnaîtra que le peintre a jeté dans la pénombre des demi- teintes une épouvante réelle. Les malheureux qu'on y gar- rotte à la façon des pourceaux conduits au marché, sont vivants et plaintifs. Il n'y a au milieu d'eux, ni confusion, ni absence d'air, ce qui, eu égard aux raccourcis, constitue un véritable lourde force. Si Biard n'a terminé cette compo- sition émouvante, sur les lieux mômes où la traite se commet encore subrepticement, il a dû, dans tous les cas, puiser à bonnes sources les données sur lesquelles elle repose , et il le pouvait d'autant mieux , que dans ces derniers temps la caplure d'un navire négrier , le Wilde Fire, a encore été opérée dans les parages du Congo, et que sur cinq cent dix- neuf nègres de Guinée, dont se composait sa cargaison, il en avait déjà perdu quatre-vingt-un morts de leurs souf- frances au fond de ses cales (1). Deux tableaux de Biard, à demi-terminés, témoignent des résultats qu'il a obtenus en Amérique, sous le rapport de l'exécution et de la couleur. L'un est la représentation d'une forêt vierge. Des Incas, — ou Péruviens primitifs, — y sont supposés en adoration devant le soleil dont les chauds rayons traversent le milieu de la forêt, reproduite avec ses lianes et ses orchidées aux fleurs pyramidales. L'autre, conçu dans les mêmes conditions de lumière, et où les palmiers surabondent, a pour sujet un Européen naturaliste en contemplation d'un insecte qu'il examine attentivement à l'aide d'une louppe grossissante, pendant que ses deux guides se serrent l'un contre l'autre , épouvantés à la vue d'une tête de tigre qui se monlre à eux à travers le feuillage. Au premier plan, sont des masses de fleurs variées et brillantes, que semble avoir explorées déjà le naturaliste ravi d'admiration. Par la nature de la scène, celte dernière œuvre pourra (!) Voir le Moniteur universel du 2 juin 1860, qui reproduit l'article du Courrier des Etals-Unis sur le fait signalé.