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               CHRONIQUE THÉÂTRALE.


                     M. BRESSANT. — LES ITALIENS.


   On ne peut pas se plaindre de la direction, e t ce n'est certes pas sa faute si
les théâtres ne sontpas toujours pleins. Aux Célestins, M. Bressant s'est chargé
 de magnétiser le public, et qui mieux que lui pouvait réussir dans cette
entreprise? C'est bien là l'acteur élégant et aisé par excellence, l'acteur
parisien dans le meilleur sens du mot ; jamais il n'a sacrifié au faux goût,
aux exigeances du parterre amoureux des grands effets, des grands gestes,
 des éclats de voix. C'est la modération en tout, l'assurance, l'esprit, c'est
le respect de l'art et de soi-même poussé aux dernières limites. Ce soin
minutieux des détails, ce fini dans le jeu, ces demi-sourires qui en disent
plus long que les grosses gaîtés souvent hors de propos, voilà ce que, l'an
 dernier, nous avions admiré dans M me Rose-Chéri, et ce que nous retrou-
vons cette année dans son digne partner du Gymnase. Chose triste à dire
pourtant, et qui accuse hautement, quoiqu'on en pense, l'intelligence pro-
vinciale, les deux artistes qui ont attiré le moins de mondé à leurs repré-
 sentations et soulevé le moins de bravos, c'est M. Régnier de la Comédie-
Française, et M. Bressant qui joue comme s'il en était. Les délicats sont
 malheureux, a dit Lafontaine. C'est vrai, mais aussi ils ont de bons moments,
 témoin les soirées où il leur est donné d'applaudir M. Bressant dans Brutus,
 lâche César et Un Fils de Famille.
    Au Grand-Théâtre, la Compagnie italienne fait merveille, sous la direc-
 tion de M. Lorini. Mme Sofia Vera qui fit fureur, il y a deux "ans, dans Linda,
nous est revenue avec toute sa voix ; elle nous a, comme par le passé,
étonné avec la souplesse et l'agile ténuité de sa vocalise. Le tissu de son
chant est léger et gracieux, tout pointillé de petites broderies. Pourquoi se
plaît-elle à le déchirer de temps en temps par des éclats de voix immo-
dérés .; veut-elle nous prouver la puissance de ses moyens ? Personne n'en
doute ; mais, aux applaudissements qui redoublent lorsqu'elle roucoule à mi-
voix quelque charmant duo avec Calzolari, elle doit comprendre qu'elle est
faite surtout pour charmer par le côté délicat et discrètement pathétique/
A côté d'elle, il faut admirer dans Mlle Bcltramelli une richesse d'organe qui
lui permettrait d'aborder aisément tous les rôles, un feu concentré, une
sorte de verve froide qui lui fait rechercher les tours de force les plus
ardus. Jouée par elle, Imcie est une victime moins résignée et plus ardente.