page suivante »
282 ÉTUDE SUR BLA.ISE PASCAL. forces qui s'épuisaient, les luttes contre les jésuites, et l'ouvrage était depuis douze ans enseveli dans sa pensée. Enfin , les der- nières années de sa vie, n'ayant plus la force de suivre et de retenir ses idées , il prit le parti de les jeter sur le papier à me- sure qu'elles se présentaient, soit qu'elles se rapportassent à son sujet, soit qu'elles lui fussent étrangères , et dans l'ordre, ou plutôt le désordre où elles arrivaient. A la fin même il fut obligé de se servir d'un domestique et de dicter. La maladie désormais était maltresse, de ce fier génie, et, sen- tant son terme approcher , il ne songeait qu'à bien mourir. La sévérité de sa vie ne le rassurait pas, il éprouvait ces scrupules de conscience qui ne tourmentent que les saints, il multipliait les actes de piété, et, non content d'avoir sacrifié à Dieu la science, la gloire, le monde, les penchants les plus légitimes de la nature , il humiliait sa puissante intelligence dans des prati- ques de dévotion que j'appellerais puériles, si la pensée de Dieu ne relevait tout. Il s'éteignit enfin, à peine au milieu de sa carrière. Après sa mort, on trouva chez lui des amas de papier contenant tout ce qu'il avait écrit les dernières années de sa vie. Ses amis de Port- Royal , qui savaient ce qu'ils renfermaient, les recueillirent avec dessein de les publier, et dans cette foule de pages , sans suite et sans ordre, souvent pleines d'obscurités et d'incorrections , reconnurent une raison supérieure et des traits sublimes. Pour mettre quelqu'arrangement dans ce cahos et en rendre la lec- ture possible, ils rapprochèrent et placèrent, sous le même titre , tous les fragments qui traitaient du même sujet, se per- mirent même de corriger le style, et enfin se crurent obligés de retrancher , dans l'intérêt du livre et de l'auteur, ce qui leur parut obscur ou inexact. Puis ne sachant comment appeler cette œuvre toujours informe, ils lui donnèrent le seul nom qui lui convînt, et avec lequel elle a fait le tour de l'Europe , et l'admi- ration de trois siècles , celui de Pensées de Pascal. Telle fut la vie de Pascal, simple , courte et féconde, traversée par un seul événement, la querelle du jansénisme, passée pres- qu'entière dans la solitude, remplie par le travail , la religion et