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LES TOURISTES A. ROME. 51 L'excessive bonhomie et la naïve avidité avec ^lesquelles quantité de braves gens accueillent les racontages des cus- todes, sont vraiment incroyables. Je ne veux pas faire ici la nomenclature des reliques exorbitantes que renferment les églises de Rome; cette liste exigerait presqu'un volume, et aurait malgré moi une teinte voltairienne bien éloignée de ma pensée, surtout en y ajoutant les variantes imaginées par les cicérones et les custodes. Ainsi que je l'ai dit, les plus poétiques légendes sont entièrement dépouillées de leur charme, par la démonstration matérielle que l'on prétend donner du fait. Cette preuve palpable, évidente pour d'hon- nêtes visiteurs, devient pour d'autres une pierre d'achop- pement. À ce propos, je raconterai seulement la légende du Domine, quô vadis et la tradition du crucifiement de Saint- Pierre ; ce sera le complément du récit que j'ai fait de sa captivité dans la prison Mamertine. La tyrannie et la cruauté dé Néron s'appesantissaient sur la malheureuse Rome et en particulier sur les chrétiens. Saint Pierre, cédant à une pensée de timidité, résolut de quitter la ville ; il sort effectivement par la porte Capena, et gagne la voie Appienne (1). Arrivé au point d'embran- chement de la voie Ardéatine , le Sauveur lui apparaît por- tant sa croix : Domine, qud vadis? (Seigneur, où allez- vous? U lui fut répondu : Je vais à Rome, pour me faire crucifier de nouveau. Le prince des apôtres, honteux de sa faiblesse, rentra au milieu des fidèles, et bientôt après fut martyrisé. Cette légende est saisissante, et n'a besoin d'au- (i) La porte Capena, qui a subsisté jusqu'au règne d'Aurélien, était située dans la vallée, entre le mont Celius et Sainte-Balbine, sur PAventin. C'était une des portes les plus fréquentées de Rome. Elle donnait issue à la voie ap- pienne, regina viarum, qui s'embranchait à peu de distance avec la latine, comme on peut encore le voir aujourd'hui sur la place de San Cesareo.