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534 .                     CHRONIQUE THÉÂTRALE.
Son jeu gagnerait à être moins timide et plus en dehors. Nous avons peu
entendu M"e Sannazaro ; le seul rôle de Roméo a suffi cependant pour mon-
trer à quel degré savant elle sait pousser l'art de phraser, de colorer le ré-
citatif. C'est une qualité très-rare ; il est fâcheux seulement qu'elle n'ait à son
service qu'un instrument mal caractérisé, dépourvu de sonorité dans les cor-
des basses. On voit que, sous le rapport du personnel féminin, la Compagnie
est bien complète ; ajoutez qu'on nous promet M"8 Lagrange, l'artiste sans
rivale, une cantatrice qui défierait Sivori et son violon magique ! attendons.
   Que dirons-nous de Calzolari ? Depuis Mario, nous n'avons pas souvenir
d'une voix pareille ; et quel art dans la manière de respirer, de moduler ;
quelle facilité dans les vocalises ! C'est à désespérer même une chanteuse
à roulades. Du premier jour, il a conquis le public, et, à chaque repré-
sentation, l'ovation a été grandissante ; dans Don Pasquale, il effaçait les
souvenirs du Barbier, et dans Linda il faisait oublier son triomphe de
YElisire. Avec Calzolari, Napoléone Rossi et Mme Vera, l'été n'a point de
feux qui vous fassent reculer. Trois fois par semaine on se plonge délicieu-
sement dans cette étuve du Grand-Théâtre, où les mélodies viennent vous
 caresser comme des brises fraîches. Nous avons nommé Napoléone Rossi;
celui-là est aussi de la grande famille des comédiens-chanteurs -, il possède
les vraies traditions et il semble l'héritier de Lablache, avec son chant
syllabique et sa figure épanouie.
   Il semble que déjà la liste des artistes qui composent la Compagnie
italienne est assez longue. Eh bien ! il faut encore y ajouter Gnone, un
baryton de mérite, qui a été tres-émouvant dans le rôle du père de Linda,
Caspani, un débutant qui, pour avoir traversé les fumées d'un café chan-
tant, n'en a pas moins gardé une voix très-belle, très-expressive, dans les
notes hautes surtout, et une bonne méthode, acquise en Italie, à côté des
grands chanteurs. Le premier ténor dans le grand opéra, Armandi, n'a
pu jusqu'ici nous donner sa vraie mesure ; attendons qu'il soit remis de
son indisposition pour le juger en connaissance de cause. Si le grand opéra
chôme un peu, n'avons-nous pas l'opéra bouffe, si supérieurement chanté
et joué? Qu'avons-nous besoin d'un fort ténor, lorsque nous pouvons
applaudir Calzolari ?
                                                                 M. D.




                                       AIMÉ VINGTRINIBR, directeur-gérant.