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•Tt PÉLOPONÈSE. 309 au bas desquels coule l'Alphée, peu reconnaissable sous le nom de Sarandapotamos qu'il porte aujourd'hui. D'énormes blocs de pierres, qui me parurent d'origine cyclopeenne , gisaient épars autour de nous, et m'indiquaient l'emplacement de quelque grand faubourg des villes qui florissaient autrefois sur ces pla- teaux élevés ; blocs informes, arrondis et rongés par le temps, entre lesquels de fréquentes raffales se heurtent et gémissent en courant sur ces chauves espaces, et dont la surface re- cueille dans ses parties creuses la rosée des nuits que viennent boire de sauvages oiseaux. Je me retournai pour voir encore les montagnes de l'Arcadie que je laissais derrière moi. L'Arcadie, berceau des premières civilisations, terre nourricière de la plupart des dieux, tire son plus grand éclat des temps héroïques ; c'est à elle qu'il faut re- monter pour trouver l'origine de la plupart des grandes tradi- tions de la fable. Illustre dans l'Épopée des dieux, elle a laissé peu de souvenirs dans l'histoire des hommes. Son influence a été longue et profonde sous l'empire des croyances mythologi- ques ; mais son génie, épuisé, pour ainsi dire , par ses divins enfantements, est demeuré infécond au milieu de l'activité hu- maine , et s'est retiré dans la gloire et le mystère 4e ses théo- gonies. Un charme particulier règne sur cette terre peuplée des apparitions de dieux vaincus et rentrés dans leurs forêts et leurs montagnes, refoulés dans les déserts d'où ils étaient sortis. Nous descendions sur l'Alphée, par une rampe escarpée; une cavale errante hennit à notre approche ; nous la vîmes au-des- sus de nous, dressée sur une pierre élevée , le cou tendu, les naseaux haletants, l'œil inquiet. Elle nous regarda passer*, et quand nous eûmes disparu, son galop rapide se fit entendre sur les roches sonores qui nous dominaient. C'était peut-être quel- que divinité sauvage, surprise et effrayée de nous voir. L'imagi- nation est plus libre et entrevoit plus de choses dans ces lieux où l'esprit a moins de souvenirs réels à recueillir et moins d'é- tudes à faire. L'Alphée sépare le pays des Laconiens de celui de Tégée ; il coule entre deux collines dépourvues de végétation, qui forment