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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 433
Quant à nous, de son observation, nous ne concluons qu'une
chose, c'est que, même dans le temps où l'esprit de M. de Laprade
flottait au milieu de quelques indécisions, son cÅ“ur était déjÃ
fortement imprégné de la doctrine évangélique, de ses divines
mansuétudes, et qu'elle y avait déposé le germe destiné à se déve-
lopper plus tard sous le soleil de plus chaudes croyances. L'épi
ne sort pas de la terre doré et prêt pour la moisson.
M. Tisseur aurait, dit-il, quelque envie de chicanerie poète
sur l'éclat qu'il a donné à sa conversion, et il ajoute -. Se con-
vertir , c'est bien ; le faire discrètement, simplement, c'est
quelque chose de mieux encore ; ne pas le faire du tout serait
encore mieux, plus simple et plus discret au goût de certaines
gens ; nous ne prétendons point/insinuer que M. Tisseur soit de
ce nombre. La seule chose que nous nous permettrons de lui
contester, c'est que le poète ait signalé avec éclat le changement
ou plutôt la modification survenue dans ses idées.
À entendre M. Tisseur, on dirait que le poète ait solennelle-
ment revêtu la robe du catéchumène et fait abjuration aux yeux
de la France édifiée ou scandalisée. Que s'est-il donc passé? Les
journaux se sont-ils emparé des détails de la vie intime de M. de
Laprade, ainsi qu'ils le pratiquent lorsqu'il s'agit de quelque
célébrité ; ou les salons se sont**ls renvoyé l'écho de quelque
récit dramatique et romanesque, duquel a surgi un pieux ensei-
gnement ? Rien de tout cela. Du sein de sa vie modeste et re-
cueillie, M. de Laprade a publié une œuvre suave et douce entre
toutes. Quelques ravissantes stances qui ouvrent et terminent le
volume révèlent le mouvement de sa vie intime et sa pensée en-
tière ; mais, comme s'il eût craint d'en froisser les pudeurs, il
l'abrite du souvenir de sa mère ; ce sont les vertus de cette mère
adorée, c'est sa tendre piété qu'il met en relief. Quant à lui, il
n'est pour lui-même que le débris, le fragment de cette à me vé-
nérée ; sa propre vie n'est que l'accident de cette vie qui est allée
s'achever aux cieux, et sa voix, l'écho de la voix qui a cessé de
se faire entendre ; la tendresse filiale éclate et débarde en effu-
sions sublimes ; mais en ce qui touche d'autres sentiments, son
expression est grave et contenue ; c'est le langage de la raison
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