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                        DE LA FOLIE.                      229
excès de l'esprit et en en plaçant le siège dans ce même
cerveau , il a signalé les conséquences extrêmes de cette
haute responsabilité. Tel qu'il est, ce livre forme donc un
tout dont les deux parties, bien qu'étrangères l'une a
l'autre , se correspondent , comme je viens de le dire ,
au point de former un code de morale pratique, où la
punition n'exclut pas la pitié , et où le remède lui-même
est un hommage à la pureté des principes.
   Répétons-le , du reste , en finissant : un grand honneur
est dû aux hommes supérieurs qui daignent mettre ainsi
les grandes œuvres à la portée des petites intelligences.
Rompre le pain vulgaire de la pensée à ses frères moins
heureux , de la môme main qui pourrait se borner à
tenir la coupe de l'ivresse spirituelle dans les festins si
souvent égoïstes de la haute science , c'est une vertu rare ,
une vertu de grande âme , qui doit trouver sa plus belle
récompense dans les vérités qu'elle propage, dans les pures
jouissances qu'elle procure et dans le bien qu'elle accom-
 plit. Il faut craindre d'effaroucher de telles âmes en leur
pariant de succès littéraire , en leur faisant entendre le
bruit d'applaudissements mérités; elles visent à un but placé
bien au-dessus de ces petitesses de l'amour-propre ; et c'est
à peine si leur conscience , d'accord avec celle de tous, a le
droit de leur dire qu'elles l'ont pleinement atteint.

                                    Antoine MOLLIÈRE.