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•:* UNE VISITE AU TOMBEAU DE JACQUARD. 515 S'il ouvre plus d'issue à la force qui crée , Si, de sa propre vie en tous sens pénétrée, La nature n'est plus, docile à ce qu'il veut, Qu'un organe sans borne où son esprit se meut, 0 douleur ! ô douleur ! marâtre sans entrailles, Toi qui dévores l'homme en lui disant : Travaille ! C'est afin que ton glaive, à nous poindre acharné, Recule et tombe enfin de ton bras enchaîné, C'est afin que la Paix, dont l'abondance est mère , Ici-bas soit durable et non plus éphémère ! Jusques au dernier jour ton utile aiguillon Saura relancer l'homme au bout de son sillon ; De notre royauté n'es-tu pas l'ouvrière ? A celui qui s'arrête ou retourne en arrière", Tu diras : Marche ehcor î mais lutter contre toi. Vaincre, briser ton dard, c'est aussi notre loi ; J'en crois les maux d'autrui que ma pitié partage, Mon pur frémissement quandma main les soulage, O douleur ! j'en crois Dieu qui fit une vertu D'un verre d'eau donné, d'un indigent vêtu. Aussi, noble artisan, pour ton œuvre accomplie, Pour avoir répandu le bien-être et la vie, Pourtant de maux vaincus, quelle immortalité, Quel laurier, ô Jacquard ! n'as-tu pas mérité ? Devant Dieu, quelle palme à la tienne est égale, O nouveau fondateur de ta cité natale ! Par toi, d'un peuple entier refleurit le vieux sang; Et le luxe des rois à l'ouvrier descend, Et sa fille,"ô Jacquard, te devra cette joie De pouvoir, elle aussi, s'admirer dans la soie ; Et, du Danube au Nil et du chaume au palais, Partout où de la soie éclatent les reflets, Partout où, grâce à toi, ses radieuses trames Célèbrent la beauté sur l'épaule des femmes, Partout ton nom rayonne, et jusque dans les plis Des drapeaux de la France, ô Jacquard, je le lis.