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w 430 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. En regardant passer ce vertige insensé Et le monde moral ainsi bouleversé , Je m'étonnais de voir parmi tant de ravages Le soleil resplendir dans un ciel sans nuages , Comme si les jardins , les hlés et les forêts Avaient dû partager mon sens cl mes regrets. Nous sommes tous ainsi, Chétive créature L'homme voudrait changer à son gré la nature ; Il s'irrite de voir que tout marche sans lui ; Il veut à l'Univers imposer son ennui. Si Dieu nous laissait faire , égoïstes moroses , Nous ferions s'attrister le soleil et les roses ! Comme exemple de cet accord de la réalité moderne et du sen- timent poétique , mais dans un autre ordre, je voudrais pouvoir citer encore l'élégie intitulée.- sur une Petite Chambre revue après trois ans. Cela est vrai sans cesser d'être chaste, vrai comme une élégie d'André Chénier, le frère de Tibulle et de Properce, le seul de nos écrivains en qui revivent les accents brûlants de la Muse latine. On voit que le volume de M. Reynaud se recommande par de brillantes qualités , et que dès à présent il assure à son auteur une belle place parmi les poètes de ce temps. Après des tâton- nements qui attestent sa persévérance et le progrès de son goût, M. Reynaud est arrivé à être maître de sa forme. Ce qu'il veut dire, il le dit avec élégance et correction ; qu'il ajoute seulement à la grâce naturelle de son langage un peu plus de feu et un peu plus de mouvement, et surtout qu'il se montre constamment rigoureux dans le choix de ses sujets. On s'imagine volontiers que la poésie n'a plus qu'à se traîner de redites en redites. Rien de plus faux, et je suis tout à fait sur ce point de l'avis d'Emerson: « C'est en vain que nous demandons au génie de répéter les merveilles qu'il a accomplies dans les vieux arts -, c'est son instinct au contraire de trouver la beauté dans les faits nouveaux et néces- saires , dans le champ , sur le bord de la route, dans la boutique et le moulin. » On se souvient de cette page charmante où Werther raconte ,