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"f BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 429 11 est encore loin et ce n'est qu'un point noir ; Et pourtant sur ce mur on peut l'apercevoir. Le nuage s'avance au souffle de la bise , II porte sur son flanc comme une tache grise , C'est la grêle ! — Elle est là sur le pays voisin , Écrasant sans pitié le seigle et le raisin. Rien ne trouble pourtant votre repos robuste, Laboureurs endormis dans le sommeil du juste ; Vous dormez confiants en la bonté de Dieu , Heureux d'être abrités sous ce pan de ciel bleu ! — On vous a vus dormir de ce sommeil tranquille Quand sonnait le tocsin de la guerre civile ; Alors qu'on entendait, de vos hameaux fleuris, Le tonnerre lointain du canon dans Paris \ Laboureurs obstinés, semeurs que rien n'effraye , Cicatrisant toujours quelque nouvelle plaie, Réparant les dégâts faits par l'homme ou le ciel , Vous travaillez au blé comme l'abeille au miei ; Que le tonnerre gronde au ciel ou dans les rues Chaque jour vous revoit penchés sur vos charrues , Confier aux sillons le pain des nations , Indifférents aux bruits des révolutions. Quelle vérité ! quelle ex.actitude#dans cette peinture véritable- ment faite d'après nature ! et comme il est saisissant ce con- traste du repos de la ferme et du bruit lointain de nos révolutions ! C'est ainsi qu'un poète peut toujours être de son siècle, sans se mêler à ses passions. Ni un Grec, ni un Latin n'auraient pu écrire cette pastorale , dont chaque vers porte sa date avec lui. Le même sentiment, qui a inspiré la Ferme à midi, se retrouve dans l'JÊpitre à M. Ponsard, et, en vérité, il est si naturel que je loue M. Reynaud d'y être revenu : Au mois de juin passé , quand la guerre civile Avait taché de sang les pavés de la ville , Lorsque tous les partis affamés de butin Se hâtaient d'escompter l'avenir incertain ; Quand je voyais déjà , d'un œil mélancolique , Aux mains de ses amis périr la République,