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386 ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL. est absent, elles percent de toutes parts. Les Pensées de Pascal, c'est l'univers en voie de formation , l'ordre commence, l'unité s'entrevoit, mais les éléments rapprochés plutôt qu'unis s'agi- tent encore dans un reste de confusion. Mais si cette raison explique la présence de ces trois principes dans l'œuvre de Pascal, il reste à expliquer comment ils se rencontrent dans son intelligence. L'explication ne sera point difficile à trouver. Une intelligence comme un caractère est le produit de deux causes combinées, le fond fourni par la na- ture et les circonstances , les influences de tout genre au milieu desquelles il se développe et qui le modifient. Le fond de Pascal, si je puis parler ainsi, était un esprit droit, vigoureux, élevé , pénétrant, qui par lui-même avait des inclinations, des ten- dances déterminées. Le génie ne s'arrêtant pas aux surfaces, ne se contentant pas de raisons légères et spécieuses , voulant toujours scruter, toujours lier, toujours monter, par cet instinct même d'élévation, de logique et de profondeur, est poussé à Dieu. Toutes les grandes intelligences , Pythagore, Platon , Aristote, Cicéron, Bacon, Kepler, Newton, Leibnitz, Descartes, Cuvier ont été religieuses. Le génie, en même temps, est essen- tiellement rationaliste, parce qu'il sent ses forces, et que ce sentiment l'enorgueillit et l'enhardit. Maintenant, ces deux dis- positions que Pascal tenait de la nature furent étendues et for- tifiées, l'une par l'influence d'un siècle religieux, d'une famille religieuse, et surtout par celle de la maladie qui, l'arrachant aux occupations terrestres, le tourna vers Dieu et l'Eternité ; l'autre par l'influence de la science , et par celle de Descartes. La science, ne s'appuyant sur aucune autorité, est toujours ra- tionaliste ; quant à Descartes, son rationalisme est si réel, qu'il a produit tous les autres. Le rationalisme et le christianisme, à leur tour , sont dans Pascal les sources du scepticisme. D'une part, quand on veut tout scruter, tout sonder, on rencontre bientôt le bout des cho- ses humaines, qui est le vide et le néant ; de l'autre, les yeux toujours fixés sur la religion, l'esprit plein de sa certitude et de sa durée, Pascal devait trouver nos établissements bien fra-