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                   ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL.                   387
 giles, et nos connaissances bien incertaines. J'ajouterai une der-
 nière cause que je crois véritable , la maladie , dont l'influence
 sur sa vie fut si grande. Je ne doute point que les vertiges qui
 troublaient son corps n'aient pu aussi troubler son âme ; je ne
doute point surtout que, rassasié de son humanité par les
 souffrances , il n'ait voulu dévouer à la misère de sa vie, à la
destruction qui minait son être, toutes ces vérités périssables
 et éphémères, toutes ces institutions défaillantes et mortelles
 comme lui.
    Pascal réunit tous les instincts , toutes les tendances, comme
 il rassembla tous les talents, et sans que la diversité, ou l'op-
position des uns et des autres nuisît à leur plénitude , comme
 aussi sans qu'aucun d'eux sortît des limites que la nature et la
 raison lui marquaient. Son esprit n'empêcha pas son éloquence;
son éloquence n'alourdit pas son esprit; l'exactitude scienti-
fique n'ôta rien chez lui à la hardiesse philosophique , et ne fit
point sentir sa sécheresse dans les écrits littéraires. En même
temps , le rationalisme , quelque hardi qu'il fût, finit toujours
par s'incliner devant l'autorité spirituelle et temporelle ; la re-
ligion, quelqu'empire qu'elle eût, laissa toujours place à la rai-^
son, et le scepticisme, en définitive , ne détruisit ni Dieu, ni
l'homme, ni la société. En Pascal, tout fut mesuré. C'est le*
cachet de son siècle, du reste ; nous revenons à la pensée du
commencement de cet article. Alors des traditions en tout genre
réglaient les esprits et tempéraient les hardiesses ; et l'on ne
voyait pas comme aujourd'hui les intelligences dériver au ha-
sard, les opinions incertaines ou exagérées, les genres intellec-
tuels confondus , les talents fourvoyés , l'ambition dans la fai-
blesse, et le désordre dans la grandeur.

                                   Albert de CHANTELAUZE.