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                   ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL.                       381
 maintenant des influences étrangères. A part les deux idées
 philosophiques signalées tout à l'heure, nous ne trouvons rien
 de Bacon, mais Montaigne et Descartes ont laissé de nombreux
 vestiges. Leurs noms reviennent fréquemment sous la plume de
 Pascal, il les cite, il les apprécie, il les critique, il les imite ou
les développe. Non seulement tout un chapitre des Pensées est
consacré à Montaigne, mais la plupart des réflexions sur la
faiblesse, la vanité, les contradictions de l'homme sont em-
pruntées ou dérivées des siennes. Quant à Descartes, fondateur
de sciences, créateur de méthodes, chef d'école, héritier de
Platon et d'Aristote, maître de Port-Royal en logique et en
métaphysique, son nom dominait partout, il était impossible
 de l'éviter. Aussi, la préoccupation de Descartes se trahit-elle
en maint endroit des Pensées ; Pascal le réfute fréquemment, et
quand il ne le réfute pas directement, il s'attaque à ses doc-
trines ; soit que cette puissance supérieure excite son envie, soit
plutôt qu'elle effraye son indépendance ou sa religion sévère et
ombrageuse. Mais, tout en l'attaquant, comme nous l'avons
prouvé plus haut, il en subit l'empire.
   Ce n'est pas seulement telle ou telle idée qu'il leur emprunte,
c'est, il semble, leur esprit même. Le scepticisme qui est le
 caractère distinctif de Montaigne, et le rationalisme qui est le
caractère distinctif de Descartes, sont partout sensibles dans les
Pensées, ou plutôt j'attribue" à ces philosophes ce qui n'est pas
d'eux, et je nomme Deseartes et Montaigne les directions na-
turelles de l'intelligence de Pascal ; nous pourrons en juger
bientôt. Ce qu'il y a de sûr, c'est que le scepticisme, le rationa-
lisme et un troisième élément dont l'empreinte est encore plus
visible, le Christianisme, sont les trois puissances, les trois prin-
cipes qui, tantôt séparés, tantôt mêlés, se disputent son génie.
   Je ne chercherai pas à démontrer la présence du Christia-
nisme dans un livre dont il remplit les pages, et dont il est
le but et l'objet. J'irai plus loin, je trouverai dans ce livre et
dans les opinions de Pascal le rigorisme des Jansénistes et la
sainte exagération des cloîtres. Qu'est-ce, en effet, que ce re-
proche à Descartes de n'avoir eu besoin de Dieu que pour mettre