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376 ÉTUDE SUR BIAISE PASCAL. dieu doit parler familièrement du ciel et de l'éternité ; ce mot qu'on répète encore sur les témoignages en faveur de Jésus- Christ « et j'en crois des témoins qui se font égorger » ; la dé- monstration du péché originel par la duplicité et les contradic- tions de la nature humaine, inexplicables autrement. Mais surtout ces deux raisons si profondes , l'une pour jus- tifier les mystères, l'autre pour dissiper l'incertitude qu'ils jet- tent dans l'esprit humain, et le fixer dans la foi en dépit d'eux. On a beau, en effet, lire Origène , Tertullien, saint Augustin, saint Thomas, il reste toujours des ombres dans le christia- nisme pour arrêter l'incrédule qui voudrait revenir, ou troubler le fidèle. Pascal n'a pas tenté de les éclairer toutes, il y eût échoué ; il les a laissées au contraire, il les a constatées lui- même , et s'en est servi comme d'un argument, déclarant « que la religion doit être assez claire pour convaincre, mais pas as- sez pour forcer l'adhésion, et ôter le mérite de croire.» En même temps, prévoyant que cet argument ne suffirait pas, il trouve un autre motif de décision , et démontre qu'après tout la reli- gion fût-elle incertaine, ce n'est point une raison de la quitter, qu'il y a infiniment moins de risques à croire qu'à ne pas croire, puisque la religion a des peines éternelles , et que l'incrédulité n'en a pas. Ces deux raisonnements ferment la bouche, et ter- minent la discussion ; les deux grandes objections contre le christianisme, l'obscurité des mystères et l'incertitude de la foi en dépit des lumières accumulées autour d'elle sont levées, ou du moins Pascal a fait tout ce que l'homme peut faire, Dieu seul peut le reste. Comme moraliste , Pascal n'est pas moins étonnant. Là , le dogme ne l'enchaîne plus , il est libre ; il n'est plus en présence d'une histoire mille fois racontée , d'arguments mille fois expo- sés ; mais de la nature humaine peu explorée, et inépuisable. La nature de l'homme, c'est là sans doute le sujet le plus intéressant, le plus émouvant que l'homme puisse traiter, et à la fois le plus riche : qui pourrait suivre les passions dans tous leurs caprices, la pensée dans tous ses détours, la destinée dans toutes ses vicissitudes? Et c'est peut-être le moins connu,