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ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL. 377
le moins étudié. Depuis le commencement du monde , en écar-
tant les philosophes qui n'ont fait que des investigations abs-
traites, et toujours dans l'intérêt d'un système, on compte Ã
peine une dizaine de moralistes. Pascal s'emparant d'une ma-
tière si neuve, malgré son ancienneté, si diverse, si changeante,
si impénétrable, en tira une foule de vues avant lui cachées, ou
à peine entrevues ; mais la fécondité n'est pas le seul caractère
dont il marque ses Å“uvres morales. Il en est d'autres non
moins visibles , l'unité de pensée, l'élévation du point de vue,
la portée des déductions. Les autres publicistes , tels que Théo-
phraste, Labruyère, Vauvenargues se perdent souvent dans les
détails, ou font des observations importantes, mais isolées. La
sagesse de Charron est maigre et peu profonde. Larochefoucauld
n'embrasse qu'un côté du cœur humain, et choisit le moins
noble. Montaigne a des imaginations et des impressions plutôt
que des jugements, disserte sur la nature humaine et sur toute
chose, et, pour son propre plaisir, se plaît dans le doute, et la
contradiction, et n'a qu'un dessein constant, celui d'humilier
l'homme.
Pascal, au contraire, affirme et démontre, a un but arrêté et
sérieux, rattache toutes ses réflexions, mêmes les plus éloignées,
à une pensée supérieure, n'abaisse la raison que pour lui faire
sentir sa dépendance, ne l'exalte que pour l'arracher à la terre,
ne l'embarrasse que pour l'instruire, et des détails les plus obscurs
et les plus misérables, fait sortir l'explication de l'homme et la
vue de Dieu.
Néanmoins, la partie philosophique, je ne classe pas ici
par chapitres, mais par sujets, serait la plus importante de
l'Å“uvre de Pascal, si on pouvait distinguer exactement ce qui
lui est propre d'avec ce qu'il a emprunté. Est-ce à lui, par
exemple, ou à Bacon qu'on doit le principe de la perfectibilité
humaine, qui depuis a fait tant de bruit et a eu plus qu'on ne
croit de puissance? Ces remarques si saisissantes et si justes
sur les anciens et les modernes, les anciens qui sont l'enfance
du monde, les modernes qui en sont la vieillesse ou la maturité,
en dépit des préjugés qui disent le contraire, est-ce à Bacon