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VICTOR DE LAPRADE. 333 vie et les discours du Christ, comme une fable grecque dans l'antiquité , et d'en tirer l'enseignement qu'elle comporte , mais en les appropriant à la tournure de son esprit. Ainsi Madeleine , répandant des parfums sur les pieds du Christ, ne sera plus seulement la belle pénitente qui lave ses péchés dans ses larmes , elle sera surtout la pénitente inspirée , qui, saintement prodigue de parfums, glorifie les prophètes , c'est-à -dire les penseurs , les poètes : Seigneur, dans le troupeau des robustes humains, Il est de beaux enfants , frêles et blanches mains, Trop faibles pour lutter durant la vie entière Et se voir obéir par la lourde matière ; Ils ne savent pas faire , avec les socs tranchants , Jaillir les blonds épis des veines de vos champs ; Aider les nations à construire leurs tentes, Tisser de pourpre et d'or les robes éclatantes , Et charger les vaisseaux sous un ciel reculé Des lapis d'Ecbatane ou du fer de Thulé ! Eet-ce donc, ô mon Dieu , que leur grâce inféconde Soit livrée en opprobre aux puissants de ce monde , Et qu'à vôtre soleil chacun leur peut ôter L'humble coin qu'il leur faut pour prier et chanter? Est-ce qu'au jour marqué, par la grande justice , Afin qu'aux yeux de tous votre enfer accomplisse L'anathéme porté sur les rameaux oisifs, Vous frapperez ces fronts amoureux et pensifs ? La Colère de Jésus ne sera, à son tour, malgré son titre, qu'un plaidoyer en l'honneur de la mansuétude, le commen- taire fervent de cette parole de saint Jean : «Celui qui prétend être dans la lumière et qui hait son frère, celui-là est encore dans les ténèbres. » Ces deux poèmes respirent la jeunesse el la fraîcheur, et ce n'est pas non plus sans un vif plaisir que le lecteur rencontre dans le second ces noms inattendus de Phi- dias , de Virgile et d'Euripide, etledirai-je ? je suis presque tenté de regretter que M. de Laprade n'ait pas fait un plus