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332 VICTOR DE LAPRADE. M. de Laprade a cédé à cet entraînement des natures géné- reuses qui se plaisent à opérer leurs évolutions en plein jour, à visage découvert, sans écouter les conseils de celte pru- dence facile, si justement définie la science des apparences. Mais autant ces conseils de la prudence méritent le dédain , lorsqu'ils caressent notre faiblesse et nous poussent aux con- cessions , autant je les trouve dignes d'être suivis , lorsqu'ils ont pour but de nous aider à sauvegarder l'intégrité de notre conscience. Il est bon d'être religieux , orthodoxe ; mais l'est-ilau même degré d'appartenir au parti religieux ? Don- nons des gages à Dieu , mais non aux hommes, et sur- tout aux partis , de peur qu'ils ne nous traitent comme une recrue , comme leur instrument, comme une chose. Les partis exigent plus qu'ils ne conseillent, et le respect de la liberté n'est pas le moindre de leurs défauts. Après les décla- rations explicites, contenues dans les derniers Poèmes èwn- gèliques, il ne resterait en vérité à M. de Laprade , s'il voulait se montrer d'une logique rigoureuse , qu'à mettre au pilon Hermia et Psyché , ou tout au moins à en préparer une nouyelle édition expurgée , ad usum Delphini. Déjà un critique bien intentionné ne lui a-t-il pas conseillé de rimer les vies de saint Pothin et de sainte Blandine , au lieu de commenter les Évangiles, peu susceptibles d'ornements égayés , comme dit Boileau. Au point de vue de l'orthodoxie. en effet, il est toujours dangereux de loucher aux vases de l'autel , même pour les couronner de fleurs. Si M. de Laprade a pu le tenter, s'il a réussi dans celte entreprise , sans blesser l'orthodoxie et en se laissant aller cependant à sa nature de poète , il le doit à son tempérament profon- dément catholique. La méthode qu'il a , du reste, appliquée a ses Poèmes èvangêliques, ne diffère pas de celle qu'il avait employée pour traiter les sujets anciens. Il s'agit toujours pour lui de prendre une action ou une parabole dans la