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                                             V

328                      VICTOR DE LAPRADE.

pas la seule partie remarquable de Psyché. 11 s'y rencontrait
 aussi une manière particulière de saisir la nature qui n'a
échappé à personne ; car elle a valu promptement à M. de
Lapradedes imitateurs et aussi des accusations de panthéisme.
Les gens qui s'étaient, il y a quelques années, spécialement
voués à la poursuite de ce monstre, ne devaient pas tarder à
le rencontrer dans ces grands bois que M. de Laprade aime
tant. Au début des Poèmes évangèliques , le poète dira lui-
même , non sans une certaine fierté , et avec l'empressement
d'un novateur qui tient à prendre date au moment même où
il veut abjurer son culte le plus cher :

      J'ai traduit aux humains la chanson des forêts ;
      J'ai, sous les noirs sapins, comme un fils des Druid«s,
      Ecouté les esprits qui leur servaient de guides,
      Et, la verveine au front, avec la serpe d'or,
      Du gui sacré du chêne invoqué le trésor.
      Saignant des coups portés à mes forêts divines,
      J'ai maudit notre engeance acharnée aux ruines;
      J'ai noté les accords des derniers sommets verts,
      Et l'àme du grand chêne a parlé dans mes vers.

  Ces seuls vers suffisent pour donner une idée de la manière
de sentir propre à M. de Laprade. Les esprits des sapins,
Yânw du chêne, le poète qui saigne des blessures faites à un
arbre, cette sorte de consanguinité de l'homme avec l'univers,
cette nature enfin qui vit palpite, rêve, pense peut-être, et
dans tous les cas laisse transpirer l'infini, l'invisible par toutes
ses rosées, par toutes ses cavernes, par toutes ses sources, cette
nature qui est comme la sœur du poète avec laquelle il échange
sa pensée, il brûle de s'entrelacer, comme il le dit lui-même
quelque part, afin d'être plus près de Dieu et du bonheur,
comme si cette nature, dans §es vagissements, dans ses ru-
meurs, dans son idiome inarticulé, dans ses splendeurs et dans
ses ombres, en savait plus long que tout notr» orgueil, voilÃ