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324 VICTOR DE LAPRADE. ils sont d'accord. On les dirait affiliés à une sorte de franc- maçonnerie littéraire, tant ils sont bien informés , tant leurs opinions, tant les arrêts qu'ils rendent sont identiques. Pour ce qui est de M. de Laprade, demandez-leur ce qu'ils pensent des Odes et Poèmes et de Psyché, el vous verrez si leur réponse se fera attendre, s'ils hésiteront à classer leur auteur au rang qu'il mérite. La preuve la plus certaine, que M. de Laprade a été lu , remarqué , goûté et même admiré , c'est qu'il est imité. Plus d'un recueil de vers , publié dans ces derniers temps, porte en effet la trace évidente de sa ma- nière et de son inspiration. Cela en dit plus long que bien des éloges et bien des critiques. .• Les débuts de noire compatriote remontent à une douzaine d'années ; cetle période littéraire, si brillante, si féconde, qui date de 1830, touchait a sa fin. La marée des romans-feuille- tons montait toujours et sa voix bruyante étouffait toutes les autres. Lamartine était devenu député, et Victor Hugo pair de France. Bérenger se tenait coi depuis dix ans dans sa retraite de Passy. M. de Musset allait devenir sage , comme autre- fois Lafontaine avant d'entrer à l'Académie. Ce fut alors que M. de Laprade se présenta, non poar effacer et faire oublier les maîtres, mais comme leur plus légitime héritier dans Tordre lyrique ; et je le dis de suite sans détour, je ne sais vraiment pas qui on peut lui comparer dans cet ordre-là . Il se présenta, non comme le plus habile continuateur de Lamartine ou de Victor Hugo , mais avec la prétention de ne relever que de lui-même. Tandis que les uns, comme Théophile Gauthier , exagérant les procédés de Victor Hugo, s'appliquaient à rendre la poésie de plus en plus matérielle et travaillaient une strophe comme Froment-Meurice un bijou ; tandis que les autres , sur les pas de M. Alfred de Musset, furetant dans les bou- doirs du XVIIIe siècle, mettaient au pillage le pot de rouge et la boite aux mouches, peignaient des trumeaux littéraires