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318 PÉLOPONÈSE. pourpre et d'indigo, la tète ceinte d'une auréole d'or, dressent contre les murailles leurs formes incorrectes mais expressives ; puis, sur la barrière sacrée qui sépare la nef du sanctuaire et dont le voile ne s'écarte qu'à de certaines cérémonies, on voit d'un côté la grande et noble figure du Christ et de l'autre une mélancolique tête de Panagia (sainte Vierge). C'est à la Panagia que les Grecs adressent leurs prières avec le plus de confiance. C'est elle qu'ils entourent de plus d'amour et de respect, et qu'ils invoquent le plus souvent dans leurs joies ou leurs dou- leurs. Le peuple de l'intérieur, qui subit moins que le reste de la nation le contact journalier des étrangers, est un peuple es- sentiellement religieux, mais d'une religion ignorante et super- stitieuse, altérée encore par certaines réminiscences des cultes idolâtriques. Le symbole frappe vivement son imagination et le porte à confondre avec lui le principe immatériel, l'idée pure qu'il représente. Les manifestations de Dieu le troublent et l'ef- fraient, et l'on retrouve dans le fond des âmes un reste de la terreur qu'inspiraient aux hommes les sombres divinités ado- rées secrètement dans les mystères. Des traditions païennes sub- sistent encore à l'ombre des temples ruinés de la grande Grèce et ne s'effaceront peut-être qu'avec ces derniers vestiges du culte païen. Cependant il serait aisé d'étouffer ce vieux élément dans l'esprit d'un peuple dont les tendances sont si profon- dément religieuses, en l'éclairant et le ramenant au principe d'unité qui est le fondement du catholicisme. Par malheur, le clergé est ignorant et vulgaire ; les prêtres chargés d'enseigner la religion aux habitants des campagnes ne sont guère plus instruits que ces derniers. La science est reléguée dans le fond de quelques monastères et parmi quelques hommes d'église épars dans les villes. 11 existe surtout, dans les esprits les plus sim- ples comme les plus éclairés, une haine profonde et vivace contre les catholiques d'Occident. J'ai entendu avec surprise, dans plus d'un couvent, les railleries amères et les blasphèmes par les- quels des religieux, hommes sensés d'ailleurs, flétrissaient le pape et le clergé romain. Une révolution puissante pourra seule mettre fin à cette fatale dissidence.