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PÉLOVONÈSE. 319 Je ne pus me rendre à l'église de Vourlia, parce qu'un pré- cipice m'en séparait ; force fut donc de rentrer au logis. La chambre dans laquelle on m'avait établi était tournée vers la vallée que je pus contempler à mon aise par une petite fenêtre entourée d'une vigne grimpante. Je voyais l'Eurotas qui serpente au loin, Misthra et sa blanche citadelle adossée au noir Taygète, un grand bois d'oliviers, des plantations de mûriers, mais aucun vestige de l'antique Lacédémone. Cette vallée si pleine de ce grand nom, si dénuée de tout vestige pour fixer l'esprit, m'apparaissait comme un sépulcre ouvert auquel on redemanderait en vain les précieuses dépouilles qui lui étaient confiées. L'âme se remplit de tristesse, et l'on doute de l'existence de toutes ces grandes choses, à voir le peu de traces qu'elles ont laissé. Ma rêverie fut interrompue par un coup légèrement frappé sur mon épaule ; je me retournai, et avant que j'eusse le temps de prendre la parole, un homme m'indiquait du doigt un point invisible dans l'espace, en me disant : Sparte. Je regardai dans cette direction, mes yeux ne purent rien découvrir. Cet homme était le Démarque, mon hôte. —Vous serez un peu trompé dans votre attente, me dit-il, si vous venez ici pour voir des temples, des colonnes, des ruines superbes. Le temps, les Turcs et les tremblements de terre ont tout détruit; il ne reste plus de la ville que quelques pierres éparses ; vous n'aurez autre chose à faire qu'à passer, car elles ne valent pas la peine qu'on les examine. Cependant, nous sommes fiers de la curiosité des étrangers, et il nous est agréable d'apprendre de leur bouche, sur l'histoire de nos ancêtres, des détails que nous devrions savoir. Mais, si l'instruction nous manque, nous nous efforçons de la procurer à nos enfants ; ils sauront de qui ils descendent, et comprendront la tâche que leur passé leur impose. Ce Démarque me parut, dès le premier abord, bien plus intel- ligent que ne le sont ordinairement les hommes de sa classe. Je lui exprimai quels magnifiques souvenirs ce pays me rappelait, et combien j'en trouvais la nature riche et belle. Je le flattai sur- tout en lui disant que la population me paraissait d'une race