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                   ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL.                      269
 héritier des Charles VII, des Louis XI, des Richelieu, desMazarin,
 absorber en lui la noblesse , les parlements, le clergé, les pro-
  vinces, à la fin même jusqu'à ses généraux et ses ministres, ne
 souffrir rien de puissant ni même de considéré en dehors de
 lui, on n'admire pas, on est effrayé. Il ne faut rien ôter au génie
 de ce roi ; mais une preuve que ce jugement n'est point erroné,
  c'est la décadence complète et rapide qui suivit son règne.
     De tout cela il résulte que la première époque est la seule à
 laquelle il faille demander des modèles ; nous avons bien assez
 de nos faiblesses et de nos décadences, sans aller étudier les
 faiblesses et les décadences de l'histoire. "Il en résulte aussi que
 notre salut n'est pas dans la résurrection chimérique de l'abso-
 lutisme. Ce qui manque à notre siècle ce n'est pas telle loi, telle
 organisation, nous avons assez de lois et de théories pour orga-
 niser toutes les républiques et monarchies, aristocraties et dé-
 mocraties des temps passés et des temps modernes ; mais un juge-
 ment sûr pour choisir dans cette variété immense celles qui
 nous conviennent, et une main prudente et ferme pour les ap-
 pliquer. Ce qui nous manque, ce n'est ni l'esprit, ni l'élo-
 quence , ni la science, ni l'expérience , mais le moyen de tirer
 parti de tous ces mérites, c'est-à-dire les mœurs publiques,
 les croyances politiques, la suite dans les idées, le bon sens
 et la mesure en toute chose, dans la liberté et dans l'ordre,
 dans la littérature, dans la philosophie et dans la politique, je
pourrais dire jusque dans la religion. C'est le courage, non ce
courage physique qui vient du tempérament, mais ce courage
de l'esprit, qui est le fruit des convictions, et qui sert contre
les événements aussi bien que contre les hommes. C'est, en un
mot, ce suc moral qui doit circuler dans la société, comme le
sang dans les veines, comme la sève dans l'arbre pour tout vi-
vifier. Et voilà précisément ce qu'on rencontre en abondance
dans le XVIIe siècle, la force qui anime toutes ses parties, l'es-
prit qui remplit tous ses contemporains, particuliers obscurs
aussi bien que princes, généraux et ministres , et que nous
allons retrouver maintenant dans Pascal, un philosophe soli-
taire, un simple écrivain.