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268                  ÉTUDE SUK BLAISE PASCAL.
 s'abaisser , des vices qui rougissaient d'eux-mêmes , une reli-
 gion devant laquelle tout s'inclinait, depuis le pâtre jusqu'au
 roi, une société enfin qui ne tombait pas en pièces comme la
 nôtre, qu'on n'était pas obligé d'étayer et de réparer sans cesse,
 et qui allait sans efforts et sans artifices, par la seule impulsion
 des mœurs et des croyances.
     Cependant cette société, si puissante, ne s'est pas soutenue
 jusqu'à la fin. Brillante, forte, prospère tant que Louis XIV l'est
 lui-même, elle semble, par une destinée singulière, décliner et
 vieillir avec lui. Deux époques aussi distinctes que le permet-
 tent la liaison des événements et l'unité de l'histoire divisent
 ce temps. Dans l'une, les Mazarin, les Louvois, les Colbert, les
 Condé, les Turenne, les Luxembourg, les Bossuet, les Pascal,
 les Labruyère , les esprits créateurs et régénérateurs ; dans
 l'autre, les Pontchartrain, les d'Aguesseau, les Chamillard, les
  Villars, les Catinat, les Villeroy, les Racine et les Fénelon,
  des hommes éminents, des hommes utiles, mais évidemment
  inférieurs.
     Cette différence s'explique aisément. Quand on songe à l'in-
  fluence immense de Louis XIV sur son siècle, on comprend que
 les hommes de la seconde époque, nés et élevés sous lui, n'ont
 pu s'y soustraire , que les hommes de la première époque , au
  contraire, antérieurs ou contemporains, n'ont pu la subir. L'in-
 fluence des événements, à moins qu'ils ne soient terribles et
  extraordinaires , car alors ils écrasent l'esprit ou le renversent,
  l'influence d'institutions séculaires, à moins qu'elles ne soient
  tyranniques, comme celles des Césars, ou immobiles comme
  celles de la Chine, laisse toujours une certaine liberté aux es-
  prits. Mais l'influence d'un homme, qui est en même temps sou-
  verain , que les mœurs investissent de la puissance morale,
  tandis que les lois l'investissent de la puissance matérielle , qui
  se trouve ainsi maître des corps et maître des âmes, n'en laisse
' aucune, il assujétit toutes les facultés à la fois.
      Or un homme a beau être fort, il l'est toujours moins que la
  société et la civilisation unies, et s'il substitue son action à la leur,
  il risque d'abaisser au lieu d'élever. Lorsqu'on voit Louis XIV