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                              DE LA FOUE.                                225

   Mais il est un moyen qui opère plus vile encore parce
 qu'il prend le fou plus adroitement" et même à son insu*
C'est la lecture publiquement faite , par le fou lui-même ,
devant un nombreux auditoire , d'oeuvres dramatiques con-
venablement choisies. II est rare que les auditeurs et le
lecteur surtout , n'entrent pas dans les rôles , ne s'en
passionnent pas , et n'en viennent même pas à s'oublier
eux-mêmes pour les personnages qu'ils jouent ou enten-
dent jouer. Celte sorte de changement d'esprit souvent renou-
velé ramène ainsi , sans qu'il s'en doute, l'aliéné à la
raison.
   A ces moyens si simples et si ingénieux , Leuret en
ajoute encore de plus hardis, de plus héroïques. Il ose aborder
résolument avec ses fous la discussion même de leur folie
et en vient à les contraindre à l'aveu , à la rétractation
de celte folie , comme on avoue , « comme on rétracte ,
« dit—il , un mensonge. »
   « Il n'est pas aussi difficile qu'on le pense , dit-il
« encore, d'obliger un malade à parler sensément, même
» sur l'objet de son délire. «
   Je l'admets pour moi sans peine ; car je crois autant à
l'utilité morale qu'à l'efficacité sacramentelle de la confes-
« sion. « Pourquoi, dit admirablement Sénèque, personne
« ne confesse-t-il ses vices ? parce qu'il y est maintenant-
c même. Confesser ses vices est une indice de la santé de
 e
« tâme. (1). »
   Je me plais donc à voir, dans celte sorte de Confession
imposée au vice insensé par la science elle-même , une
sorte de reconnaissance implicite du caractère éminemment


   (1) Quare sua vitia nemo confitetur ? quia in illis etiam nunc est. Vitia
sua conftleri sanitatis indicium est (Sénèque. Epist. LUI). Sanitas, l'opposé
A'inta/nitas !

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